Petite sortie en ville

J'aime les rues du Marais. C'est mon nouveau chez moi, je m'y plais, l'ambiance y est agréable. C'est de loin le quartier le plus tolérant de cette ville. Tiens, si j'allais me promener en ville ? Bonne idée, non ?

J'ouvre un oeil.

Pardon ? Ah, oui, j'ouvre un oeil parce que je suis dans mon lit et que je viens de me réveiller. J'avais oublié de le préciser, désolé... Enfin bon, je suis donc vétu d'un boxer et d'un T-shirt, étendu dans mon lit. Pourquoi pas juste un boxer ? Par habitude. Je sais qu'il n'y a personne chez moi, mais je préfère ne pas laisser mon dos nu... On ne sais jamais...

Donc, j'ouvre un oeil. Puis un autre. Il fait plutôt beau, c'est une bonne chose. Il faut dire qu'avec les grandes baies vitrées de mon Loft, je ne peux pas manquer le temps qu'il fait... Mais ca veut aussi dire que j'ai beaucoup de mal à dormir quand le soleil est levé, ce qui est embêtant en été, mais de toutes façon, c'est ne hiver que les reptiles hybernent... Qu'est-ce que je raconte moi ?

Bon, il est temps de me lever, une bonne douche et ca ira beaucoup mieux ! Je me glisse dans la cabine après avoir jeté mes vêtements par terre et ouvre l'eau... Bonheur ! Je ferme les yeux laissant le liquide tiède couler sur ma peau. Je lave mes cheveux (fichus épis) et le reste de mon corps. Puis je sors et m'enroule dans une serviette. Re-bonheur ! C'est doux, c'est chaud, c'est parfait.

J'ouvre mon armoire... Merde, y a plus grand chose ici... Un coup d'oeil aux tas de vêtements sales éparpillés un peu partout sur la mezzanine m'apprends qu'il va bientôt falloir que j'aille à la laverie... Bah, je ferais ça demain... Hmm... Ca fait quoi... trois jours que je me dis ça ?
Je sors un boxer que j'enfile aussitôt et une chemise blanche qui subit le même sort avant de commencer à réflechir à "comment je vais m'habiller ?" Ouais, ok, c'est tout réflechis à ce stade là, mais quand même... Jean bleu ou noir ? Ca change tout, je vous le dit. Vous voulez voir ? Ok, je mets le bleu. Je passe devant le mirroir, c'est marrant, j'ai l'air d'un étudiant comme ça. Non, j'ai pas envie. Le bleu valse sur mon lit. Je mets le noir. Parfait. Je vais mettre quelques bracelets en cuir noir et une chaine à ma ceinture et je pourrais y aller...

Aller ou ? Hey ! Tu divague Axel ! D'abord, direction la salle de bain. Encore, oui, arrête de râler, tu vas me raser cette barbe naissante ! Je soupire et fait tout ça... Non, je ne me plains pas réellement, j'aime ma peau après que je me sois raser. Bien sur, je préfère la fin de journée quand elle a un peu repoussé, mais dès le lendemain, c'est laid... Alors je rase à nouveau... Le cercle viscieux des hommes...

Je descends de mon perchoir et vais me faire cuire des oeufs. J'aime aussi les gober crus (on se demande pourquoi, tiens...) mais j'ai pris l'habitude de les cuisiner... Oeuf au plat, donc, avec un peu de pain de mie et un grand verre de jus d'orange. Quelques minutes après, je suis fin prêt pour partir...

Et où comptes-tu aller comme ça, Axel ?

Oups ! J'attrappe ma saccoche sur le canapé, vérifie que mon Reflex est dedans, m'assure que j'ai des pellicules... Bon, maintenant, je suis prêt. Pour aller... heu... me promener en ville ! Capter des images, des scènes, des instants... J'ouvre la porte, branche l'alarme, ferme et sort.

Pourquois une alarme, me direz-vous ?
Pour une raison bien simple, l'un des mur de ma maison est une immense baie vitrée... Donc ca attire assez les voleurs comme ça, il vaut mieux avoir un truc qui les fait changer d'avis...

Je m'élance donc, de mon pas dynamique, dans les rues du Marais. Comme je le disais en me réveillant, j'aime cet endroi. Tiens, j'y pense, j'ai entendu parler d'une librairie spécialisée... D'après ma mémoire, c'est dans l'une de ces petites rues que l'on ne trouve pas quand on les cherche et sur lesquelles on tombe quand on se perd... Bien sûr, pour un parisien qui connais le coin, c'est assez simple à trouver... J'avance donc tranquillement sans la rue, souriant aux gens, accrochant leur regard... Un fille m'a demandé un jour comment je me maquillais... J'ai eu une hésitation avant de répondre, pas très convaincu "c'est du khôl" ça a eu l'air de la satisfaire... Je souris à ce souvenir.

Voilà, j'y suis. C'est petit, j'aime bien. J'entre, me glisse dans un rayon... C'est sympa, on ne peut pas se croiser sans se coller... Et bien sûr, aucun hétéro dans le coin... Un vendeur approche, se serre contre moi entre deux clients:

"Je peux vous aider, Monsieur ?"

Mince, il est fixé sur mes yeux, là... Je détourne le regard. Comment les gens ne s'en rendent-ils pas compte ? Et je le remercie. Je préfère me débrouiller seul... La manche courte de ma chemise laisse entrevoir le bout de mon tatouage que mon bras musclé. Mes écailles sont invisibles, c'est bon... Pourquoi est-ce que je m'inquiete encore de cela alors que ça fait des années que je sais les cacher ?

Je retourne vers l'entrée du magasin et attrape un livre mis en avant. Le résumé à l'air interressant... deux hommes qui gardent des moutons ensembles dans une montagne... Des cow boyw homosexuels... Pourquoi pas. C'est une nouvelle, je lirais ça à mes heures perdue. Je me tourne vers la caisse pour payer...

Ce que je peux détester quand elle me fait ça. J'ai eu beau lui dire que j'évite habituellement de voler dans les caisses, madame a un grand besoin d'argent, et il compte plus que tout. Peu lui importe que je me fasse surprendre à piocher dans l'argent d'une boutique – je préfère nettement alléger les marchandises que les tiroirs caisses – elle a besoin de fric pour payer je ne sais trop quoi. Elle refuse de me l'expliquer. Sans doute un gigolo ou un truc du genre. Ou peut-être qu'elle veut me faire un cadeau… AAHAA ! non oublie Dylan. Souny ? T'offrir un cadeau ? Elle serait plus du genre à te faire voler un truc et te l'offrir ensuite. C'est d'ailleurs peut-être ce qu'elle a derrière la tête. Mais un cadeau pour quelle occasion ? Ce n'est pas mon anniversaire, et Noel est passé depuis belle lurette… Quant au 14 de Juillet, ben on le 29, pas le 14, alors ça parle tout seul. Nah. Elle veut pas me faire de cadeau. Elle veut juste du pognon pour ses petites envies à elle. Et comme je suis trop effrayé quand elle se met en colère, je n'ai pas envie de me la mettre à dos. Non pas qu'elle soit menaçante. C'est que quand elle commence à croasser, mes petites oreilles sensibles en perdent tout leur sens et ma tête tourne comme si j'avais reçu un coup de poêle sur le crâne. Je n'ai pas vraiment très envie de revivre cette sensation. Une fois par année me suffit. Où j'en suis donc ? Ah oui …

Je scrute la librairie d'un œil absent, seul. Oui, seul. J'aurais bien apprécié qu'elle monte la garde ou me couvre, c'est risqué ce genre d'opérations. Mais madame trainait de la patte ce matin et donc pas question de sortir dehors, encore moins d'aider son ami qui lui-même lui file un coup de patte. Je soupire alors qu'un autre client entre dans la boutique. Encore. Elle ne se vide donc jamais cette satanée bâtisse ? C'est à se demander ce qu'ils y vendent de si intéressant. Je me motive à rester planté là encore une heure et si ça ne se vide pas un peu, eh bien j'essaierai de faire tourner la foule à mon avantage. Ce ne devrait pas être trop compliqué. Les minutes passent, les gens aussi, et si la boutique perd quelques clients, elle en regagne toujours autant en très peu de temps. Je devrai faire avec ça. Les gens défilent devant moi, ne me portant que peu d'attention. Après tout, qu'est-ce qu'un gamin assit sur la chaussée aurait à attirer comme regards ? Le soleil commence à taper dur sur mon dos et mon gilet, bien que blanc, me donne très chaud. Pour un peu je l'enlèverais, mais pour un beaucoup, je m'en abstiendrai. J'aurais peut-être du choisir un point de surveillance plus à l'ombre, ou alors…

Je m'étire longuement en me relevant, les jambes engourdies d'avoir été immobiles trop longtemps. J'exécute quelques petits sautillements et baille aux corneilles… Tiens, drôle d'expression. J'ai l'impression de bailler à la Souny. Je me retiens pour ne pas rigoler tout seul. Les gens qui rient sans raison sont souvent regardés comme s'ils étaient fous. Ça ne devrait pas m'offenser, on me dit souvent que je n'ai rien dans le crâne. Mais je sais bien que c'est faux, et c'est tout ce qui compte. Je traverse la rue, me faufilant avec rapidité entre les nombreux passants, jouant des coudes et des pieds non pas pour écarter les gens, mais plutôt pour éviter de les toucher.

J'entre enfin dans la boutique et suis ravi de faire connaissance avec l'air climatisé. Une petite brise fort rafraichissante caresse ma nuque et en dresse le duvet à la base de mes cheveux. Je souris et reprends ma marche parmi les clients. Bien. Il y en a un bon gros paquet, les vendeurs sont toutes à la course pour satisfaire tout le monde. Je vais pouvoir profiter de la confusion. Je me glisse à l'arrière pour trouver la porte de l'arrière boutique qui, comble de l'absurde, est déverrouillée. Je m'y glisse avec discrétion pour trouver ce dont j'ai besoin, et mes mains fouineuses ne mettent pas de temps à tomber dessus. Une clé de la caisse, et un joli petit écusson portant le nom d'un employé; Diane… heum … Peut-être pas exactement ce que je cherche, mais je n'en vois pas d'autres alors Diane fera l'affaire. Poussant du doigt mes lunettes fumées contre mon nez, j'accroche l'écusson sur ma poitrine, non sans l'avoir fait briller autant que possible. Diane … Je grimace avant de passer la porte, une jeune femme portant elle aussi un nom sur la poitrine m'accoste, le regard furieux. Mince… Déjà coincé.

-Il était temps que vous arriviez ! crache-t-elle. Ça fait une heure qu'on vous attend. On a énormément de mal à satisfaire tout le monde.

Je hoche la tête, incrédule. D'après ce qu'elle m'explique, elles ont appelé à une autre succursale pour qu'un vendeur vienne donner un coup de main, et celui-ci n'arrive pas… ou plutôt, celui-ci, c'est moi. Je souris bêtement. Elle me reproche le peu de soin de ma tenue, mais ça ne me dérange pas, la tâche sera très facile avec ou sans réprimandes. En voyant le nom sur ma poitrine, elle dit que c'est celui de la patronne. Je dis que j'en suis désolé, que je n'ai pas le mien et que je veux simplement que les gens sachent que je travaille ici. Elle sourit enfin, satisfaite, et me pousse vers le comptoir où, pendant un court instant, je panique. Je n'ai jamais bossé dans un magasin, comment ça marche ces histoires de cartes qui déversent de l'argent ? Et comment on fait les transactions ? Comment ça fonctionne le machin qui fait bip bip et qui dit combien ça coûte ? Respire Dylan. Attend qu'elle tourne le dos et ouvre le tiroir, puis sauve-toi, ça vaudra mieux.

Un homme se tient devant moi, un livre posé sous mes yeux. Gay… Je fronce le nez. Depuis l'autre soir avec le vampire snob, je me méfie quelque peu de cette espèce. J'ai bien failli y laisser un morceau de moi, mais il faut dire que j'avais pris des risques inconsidérés… Oh mais qu'est-ce que je fais en ce moment ? Je crois bien que je prends e-n-c-o-r-e des risques inconsidérés. Je grommelle un vague bonjour auquel le monsieur répond avec un sourire amusé. La politesse prévient les caissières de répliquer aux clients, mais je ne travaille pas ici que j'sache.

-Quoi ? Qu'est-c'qu'y a ?

-Vous avez un joli nom, mademoiselle, pouffe le type.

Mes lèvres se pincent. Heureusement que je ne suis armé d'aucune fierté, car je sens que je pourrais rougir. Je me contente de répliquer que mes parents étaient des originaux. Un léger pincement au cœur me surprend. Ce que je peux détester penser à eux.

Je prends le livre entre mes doigts, et pendant que je feints de la passer sous le scanner, mon autre main s'active avec la clé de la caisse. Le tiroir s'ouvre, je lance un moment au hasard pour que l'homme paie, alors que je farfouille dans l'argent. Combien elle a dit déjà ? 500… Pfff. Je compte à toute vitesse et remarque que j'ai demandé un montant inférieur au prix de base du livre.

-Il euh… est en spécial cette semaine… je bafouille.

Je finis de compter, j'ai tout l'argent qu'il me faut, je le fourre discrètement dans ma poche, en sachant pertinemment que personne n'a pu me voir. Mais maintenant que mon méfait est accompli. Je n'ai plus de raison de moisir ici. Souny attend, elle va s'impatienter. Et moi je n'ai pas envie d'attendre sagement qu'on me passe les menottes aux pattes. Je souris au client, le salue gentiment et saute le comptoir d'un bond. Je le bouscule un peu, et fonce vers la porte sans un regard en arrière. J'entends des cris derrière moi quand je tourne le coin de la rue, riant de bonheur. Qu'on ne me demande pas pourquoi. C'est seulement un rire nerveux que j'ai chaque fois que je commets une imprudence. Et d'ailleurs, je crois que j'en ai commise une.

Une prise sur mon gilet m'empêche de poursuivre plus loin et je passe à deux doigts de tomber par terre, mais je me rattrape à … un bras. Le bras de quelqu'un qui ne semble pas particulièrement de bonne humeur. C'est là que je m'aperçois de ce que je tiens dans mes mains. Un livre de cow boys homos et une poignée de monnaie dont je ne voulais même pas.

-Oups, je dis stupidement avec un sourire embarrassé.

Je pose le livre devant le jeune homme à la caisse et lit - plus par habitude que par intérêt - le nom sur la badge. Diane... Une seconde, c'était pas un mec ? Je souris, amusé. J'ai connu des homo qui se travestissaient et changeaient de nom pour ça, mais généralement pas pour leur boulot... Il semble s'offusquer de mon rire et se vexe... Je ne peux m'empecher d'en rajouter une couche... Et à sa réaction je me rends compte que j'ai vu à côté: ce n'est pas un travesti.

Il me donne un prix plus bas que celui qui est écrit. Je ne vais pas me plaindre, mais bon, je le regarde, surpris, tentant vainement de capter son regard... C'est impossible avec ces lunettes fumées, c'est ennervant... Pas très profesionnel, non plus... A moins qu'il ne cherche à cacher...

Sa voix me coupe dans mes pensées. Je baisse les yeux pour chercher mon porte monnaie dans mon sac. Je pose un billet sur le comptoire... Et d'un coup, il raffle tout - billet et livre - et se barre en courrant. C'est quoi le délire ? La vendeuse se met à hurler, quelle conne...

Je me faufile prestement entre les gens, un peu comme un serpent que je suis, et je rejoins la sortie. Sans savoir pourquoi, je me mets à courrir après lui. C'est pas que ce bouquin me tienne à coeur ni que j'ai envie d'arrêter un voleur... Non, c'est autre chose... Mais je n'arrive pas à l'identifier...

Je l'aperçois et m'élance. Finalement je le rattrappe. Ma main saisi un pan de son gilet et il me tombe literalement dans les bras, se racrochant à moi pour rester debout. Son petit "oups" me donne un coup de sang. Je le pousse contre un mur et prends la parole... Pas vraiment menacant, je suis plutot en train de lui faire un sermon en fait... Il faut dire qu'il a l'air d'un gamin...

"Petit imbécile ! A quoi tu joues là ! Tu veux te retrouver en taule à ton age ? Tu es inconscient, ma parole !"

Connaissez vous cette habitude qu'ont les gens de fermer les yeux quand ils ne veulent pas qu'on les voit... Comme s'ils suffisait de ne plus rien voir pour être invisible... Et bien l'inverse est identique. Le fait de ne pas voir ses yeux me donne l'impression qu'il ne me regarde pas, qu'il ne m'écoute pas... Et ça m'ennerve !

"Et enlève ça ! Regarde moi quand je te p..."

Je me fige, ses lunettes dans ma main, mon regard planté dans le sien. Mes pupilles se dilatent et je finis par me calmer. Je lui rends ses lunettes.

"Remets les."

Il a, autours des yeux, une marque noir plus développée que la mienne... Et ce n'est clairement pas du maquillage. Et puis, en fait, son oeil est entièrement noir, ca ne m'avance pas pour savoir où il regarde... Moi, par contre, je le regarde avec insistance alors que j'entends les flics arriver... Ils font vite ceux là... Je lui prends le livre des mains et le fourre dans mon sac avant de me saisir de son poignet.

"Suis moi."

Je vis ici, je connais les ruelles du Marais bien mieux que tous les flics du monde. En quelques minutes nous les avons semés.

Je cours dans les rues, me laissant traîner sans grande volonté par le grand type que je viens de rencontrer. Mon visage reste figé dans la même expression depuis quelques minutes. La même que lorsqu'il a pris mes lunettes entre ses doigts pour me les retirer. Il n'avais pas le droit de faire ça, je me suis aussitôt figé, ne sachant plus trop quoi faire. Je suis resté là, surpris de ce geste qu'il a posé. Jamais au grand jamais je ne les aurais enlevées s'il me l'avait demandé. Pourquoi est-ce qu'il s'est permit de le faire. Pourquoi ? J'ai bien vu son regard quand il a croisé le mien. Son regard couleur de terre – avec ce petit quelque chose que je ne pourrais décrire même si je le voulais – a totalement changé d'expression quand il a vu mes yeux, ces horreurs qui me servent à voir et à m'attirer des ennuis. J'ai voulu reculer, baisser la tête, mais je suis resté bêtement accroché à son regard, dans cette expression apeurée, les yeux écarquillés par la peur de ce qui allait suivre. Jamais au grand jamais quelqu'un ne devait voir la totalité de mon visage. C'était maman qui ne cessait de me le répéter. Cache tes yeux, cache-les sinon il t'arrivera malheur.

"Remets les."

Je me suis exécuté, les mains rendues maladroites par mes tremblements. Pourquoi les remettre ? Il savait ce que j'étais, maintenant il avait toutes les raisons du monde pour me traîner dans la rue en me pointant du doigt et en criant "HYBRIDE"! Mais il ne me traine pas de force. Il m'a demandé de le suivre et Dieu seul sait pourquoi, j'ai obéit. À tous les tournants, j'ai cette horrible impression qu'il collera un flic sous le nez en lui disant "j'ai trouvé ce monstre, il m'a volé à la librairie". Après quelques minutes toutefois, je suis surpris de n'entendre plus les sirènes des policiers. Il se serait trompé de direction en voulant m'amener à eux ? Mais non. Il s'arrête tout d'un coup au milieu d'une ruelle, lâche mon poignet, fait rapidement le tour des lieux en regardant ce qui se passe dans la rue principale. Je me prends à espérer qu'il m'abandonnera ici. Peu à peu, je reprends un peu le contrôle sur moi-même, je recommence à respirer normalement. Quand il revient vers moi, je me crispe et recule, le pointant du doigt, me voulant menaçant.

-T'approche pas, je crie en m'emparant d'un bâton qui traîne sur le sol. Sinon j'te tue !

Je ne le ferais pas. Je le sais, mais lui non. De un, je suis beaucoup trop lâche pour oser me battre. Je provoque, je nargue, je suis doué pour l'esquive, mais je ne me bats que lorsque je n'ai vraiment pas le choix de le faire. Et puis même si je me battais, je serais incapable de tuer quelqu'un. Mais lui n'est pas obligé de le savoir. Il continue d'avancer, je recommence à trembler.

-Dégage ! J'suis p't'être un monstre mais tu m'enverras pas m'faire jouer d'dans par des types en blouses blanches ! J'te suivrai plus, j'te laisse tes trucs. J'les voulais même pas, j'les ai pris par réflexe. Mais s'teuplait, laisse-moi r'partir.

J'avoue, ce n'est pas le discours le plus brave que j'aie tenu à quelqu'un. Je reste courageux – en apparence – quand on ne connaît pas mon secret. Mais de savoir qu'on sait ce que je suis me rend terriblement nerveux. J'ai terriblement peur de la trahison et de l'abandon. Je ne veux pas mourir sous les instruments des docteurs, ce serait encore pire que d'être tué par un vampire. Je recule encore, jusqu'à me retrouver coincé contre le mur. Je brandis toujours mon bâton, sans grande conviction, enhardi plus par la peur que par la conviction que je pourrais peut-être m'en sortir.

"Imbécile", je souffle quand il s'empare d'un baton pour se défendre. Contre qui ? Contre moi ? Il recule jusqu'à toucher le mur et fini par me demander de le laisser partir. Je le regarde, le détail... Ce n'est qu'un gamin mais il a déjà des marques aussi visible. Pauvre gosse. Finalement, je prends la parole:

"Tu es un monstre, je suis un monstre. On est quitte, les gars en blouse blanche peuvent aller se faire foutre. Lache ça gamin, tu n'en as pas besoin contre moi."

Je crois que le pire, dans cette histoire, c'est qu'il a conscience de ce qu'il risque si les humains "normaux" le remarquent, pourtant il prend le risque de ce faire arrêter et emprisonner. C'est absurde.

"Si tu as peur de te faire attrapper par ces tarés qui veulent nous étudier sous tous les angles, reste discret, ne te fais pas remarquer en volant ou en te battant. Montre leur donc que tu vaux mieux qu'eux !"

Je vois bien qu'il semble toujours méfiant. Il s'est laissé captiver par mon regard, il a vu mes yeux et pourtant il n'a pas compris... Bon, c'est vrai que même les humains se laissent avoir, mais je n'ai pas l'intention de me deshabiller en pleine rue... Il a même touché ma peau, ma peau plus froide que la normale... Je soupire.

"Je m'appelle Axel, je suis un serpent, un cobra pour être précis. Et toi, comment t'appelles-tu ?"

Il faut bien que je commence par me présenter. La dernière fois que j'ai dévoilé la nature de l'animal dont je partage les gènes, c'était à Mary... Une ombre de tristesse passe sur mon visage, mais je la chasse.

Je me rends compte alors que je cache mes "défauts" sous mes vêtements, avec se tatouage... Et que je lui ai enlevé de force sa protection, ces lunettes teintées... je les désigne d'un geste rapide:

"Désolé pour tout à l'heure, je ne les toucherais plus..."

Je ne sais pas pour qui il me prend. Me faire enfermer ? Ridicule. Je ne me fais jamais coincer. Enfin presque jamais. Il y a quelques exceptions bien sûr. Le vampire, Souny un jour et maintenant cet homme. Et puis il ne peut pas me juger, il ne me connaît pas. Je vole pour survivre, pour avoir de quoi me mettre sous la dent. Bon j'admets que cette fois ce n'est pas du tout le cas. J'ignore pour quelle raison je vole exactement. Je me contente de marmonner entre mes dents que mon amie avait besoin d'argent. Pour en faire quoi ? Dieu seul le sait, et peut-être elle aussi.

Je ne détache pas mon regard de celui de mon interlocuteur. Il y a quelque chose de particulier dans son regard, quelque chose de captivant, d'envoûtant et je n'arrive pas à m'en détacher, même quand il prend la parole pour me révéler ce qu'il est. Un serpent. Ça peut expliquer la torpeur dans laquelle j'ai été plongé quand il m'a retiré mes lunettes. Je n'ai jamais aimé ces bestioles rampantes. C'est froid, dangereux et méchant. Je serre les dents. Est-ce que les serpents mangent des ratons laveurs ? Quoi qu'il en soit, j'abaisse ma branche. J'arrache le badge portant le nom de Diane et le jette par terre avant de le piétiner rageusement. J'ignore la remarque qu'il passe à propos de mes lunettes.

-J'm'appelle Dylan, je dis d'un ton encore sur la défensive. Mes amis – mon amie – m'appellent Racoon. J'dois t'expliquer pourquoi ?

Je tente un sourire, mais ça sonne faux, même pour un arnaqueur tel que moi. Je ne sais pas trop quelle attitude adopter vis-à-vis de lui. Je rencontre rarement des hybrides, je me tiens loin d'eux – Souny exceptée – pour que l'on ne me soupçonne de rien.

-Pour info, j'ajoute, uniquement pour conforter mon orgueil. Normalement j'vole pas direct dans les magasins. C'pour ça qu't'as réussit à m'chopper. Et pis j'ai réussi mon coup, d'toutes façons.

Je me tortille sur mes pieds, mal à l'aise. Normalement je ficherais le camp en catimini et filerais voir Souny, mais il est devant moi, et je le trouve quelque peu intimidant, et je n'ose pas faire un geste inconsidéré, pas un de plus aujourd'hui.

-J'peux rentr… m'en aller maint'nant ? je demande d'une toute petite voix.

[retiens-le, lui il est poltron, il veut toujours fuir XD demande à Lan ¬¬]

Dylan... Racoon... C'est assez clair...

"Non, c'est pas la peine..."

Je parle calmement, je vois bien qu'il est fixé sur mon regard, qu'il n'arrive pas à s'en défaire... Avec les humains, je tourne toujours les yeux pour rompre le charme, pour qu'ils ne se rendent pas comtpe... Mais si je le fais avec lui, il va partir en courrant, non ? Et alors ? Je ne vais pas en faire mon animal de compagnie, non plus ! Il me demande la permission de partir... Etrange garçon... Mais je pourrais presque être son père... Je détache mon regard de lui et tourne la tête vers la rue sur ma gauche. J'ai rompu le contact, il va s'enfuir...

"Mon regard... Excuse moi, je n'ai pas fait attention qu'il te maintenait ici contre ton gré... Ne me regarde pas de face... Les cobras hypnotisent il parrait... Bah, moi, je le fais involontairement... Tu sais comment sortir du Marais sans te faire chopper par les flics ? T'as réussi ton coup, t'as fait quoi ? T'as vidé la caisse ? La nana a du avoir le temps de donner ton signalement. Un gosse avec des lunettes teintées y en a peut être quelques uns dans les rues, mais tu es prêt à prendre le risque ?"

Je me tourne de nouveau vers lui.

"Viens chez moi, c'est à deux rues d'ici, je te file un T-shirt au moins, un truc d'une autre couleur, un chapeau... quelque chose pour changer la description qu'elle a pu donner de toi..."

Les hybrides s'entraident entre eux... N'était-ce pas ce que m'avais dit Mary ? Je lui avais répondu que ma propre vie passerait toujours avant celle des autres. Ne l'ai-je pas laissé mourir ? Ne l'ai-je pas abandonné là-bas pour revenir ici ? Alors pourquoi je veux aider ce gosse ?

Uniquement parce qu'il est mignon et qu'il me semble photogénique ? Axel ! Je n'ai pas envie de me le tapper non plus, personne ne m'a touché depuis que je suis revenu d'Irlande... Et puis, c'est un gosse... Alors quoi ? J'ai pitié de lui ? Non, ce n'est pas ça, je détesterais qu'on ai pitié de moi, je ne peux pas avoir pitié de quelqu'un... Non, c'est juste que je ne peux pas laisser quelqu'un qui vit la même chose que moi dans une telle merde...

J'attends de savoir ce qu'il va décider...

Non mais on dirait vraiment qu'il me prend pour un incompétent. Je commence à m'impatienter. C'est pas parce que monsieur est plus âgé et qu'il a fini de muter qu'il a la science infuse. Je tape du pied, fronce les sourcils. Ce n'est pas tant que je sois en colère contre lui – ce n'est pas du tout le cas d'ailleurs – seulement je suis encore stressé par le coup que je viens de faire et des sirènes qui retentissent au loin dans la ville et qui parviennent parfois à mes oreilles sensibles. Toujours est-il que j'ai encore un surplus d'adrénaline dans le sang et que je suis toujours sur les nerfs. Car je ne suis pas de nature aussi tempétueuse en temps normal.

-Comment sortir du marais ? J'm'excuse mon grand, mais j'suis un vrai expert pour c'qui est d'me tirer d'un mauvais pas et d'échapper à la police. J'suis minuscule, j'me faufile partout. J'me suis jamais fait chopper et c'pas d'main la veille que ça commencera. Et j'suis pas con non plus. J'sais ben qu'elle va donner mon signalement, mais elle était trop dans l'rush du travail pour r'marquer quoi qu'ce soit sur moi à part mon linge. Et des ados en jeans, ça court les rues. Pourquoi tu penses que j'porte des fringues aussi banales ? C'pour passer inaperçu et faire c'que j'ai à faire.

Je me tais un moment, ennuyé par mon monologue. Je suis pas d'un naturel très jasant, même si pour voler quelqu'un je vais souvent tenter de lui faire la conversation. Normalement je suis doué pour ça, mais là je n'ai aucun but, aucun objet brillant n'attire mon attention chez mon interlocuteur, aussi je ne me fendrai pas le cul pour paraître poli. Silence de mort. L'ange passe.

"Viens chez moi, c'est à deux rues d'ici, je te file un T-shirt au moins, un truc d'une autre couleur, un chapeau... quelque chose pour changer la description qu'elle a pu donner de toi..."

Mes yeux s'arrondissent sous l'effet de la surprise. Je rêve ou cet homme vient gentiment de m'inviter à explorer sa maison ? À en découvrir les moindres articles intéressants ? Je me dandine sur mes pieds, dans une attitude d'hésitation. Je veux qu'il pense que je pense que c'est un piège qu'il me tend. Je ne veux pas avoir l'air d'accepter trop vite.

-C'pas nécessaire vous savez… je glisse quasi imperceptiblement.

Je me tortille encore un peu, ayant l'air de tourner et retourner l'offre devant mes yeux. Pui je hoche la tête doucement.

-Si c'est pas trop d'trouble pour toi, je dis finalement. En tout cas c'est sympa d'ta part.

[t'auras qu'à continuer ailleurs ... ou ici ... ou comme tu veux XD]