Knockin' on Heaven's Door [pv Lola]

J'ai toujours aimé les églises, depuis ma toute jeunesse. Non, en fait c'est faux. Je les détestais, lorsque j'étais humaine. Ayant vécu dans la rue très longtemps, je n'avais pas l'habitude de m'y rendre. Seulement, une fois chez ma famille adoptive, la toilette du dimanche était pour moi un véritable cauchemar. Je détestais devoir me lever tôt, simplement pour aller m'asseoir sur un siège dur et inconfortable pour regarder le dos d'un homme qui récitait des paroles dans un faux latin à peine recherché. Mais aujourd'hui les choses ont changés. Je vois les églises d'un tout autre œil.

Je dois mon amour de cet endroit à ma condition de vampire, tout simplement. Et c'est une chose toute bête, en fait. Un plaisir parmi tant d'autres, une constatation des plus futiles, mais tellement agréable qui m'est venue alors que je me promenais, quartier des Halles, quelques siècles plus tôt. L'église st-Eustache s'y trouvait déjà, malgré qu'elle portât un tout autre nom et qu'elle était beaucoup plus petite, à l'époque. Oh, elle n'est encore pas très grande aujourd'hui, mais d'un charme fou. Chaleureuse, simplement bâtie. Les bancs sont encore en pierre, pour garder le cachet vieillot de la place. Chaque fois qu'entre ici, je me sens toute jeune, de nombreuses décennies en moins.

Enfin bon, cette fameuse nuit, j'étais avec un homme du nom de Lenny Denny. Je m'en souviens encore, car ce nom était d'une horreur qui m'avait fait en rire pendant des années encore. Et juste d'y penser maintenant, un petit sourire vient poindre sur mes lèvres. Il disait vouloir me protéger des monstres de la nuit. Riant, je lui ai demandé de quels monstres il parlait. Il m'a parlé des lycanthropes – absurde légende – et des vampires. Et il m'a emmenée dans cette église déserte avec l'espoir de me peloter en toute tranquillité, affirmant que ces lieux saints étaient craints des vampires. Il n'a pas eu ce qu'il voulait, mais moi, si. C'est dans cette même église que je l'ai mangé, pour ensuite poser ses os sous une croix. Croix qui devait naturellement faire brûler ma peau. Foutaises… J'aime les humains pour tout ce qu'ils peuvent inventer pour se sentir en sécurité.

Aujourd'hui, en entrant dans cette petite chapelle, je m'agenouille, trempant mes doigts dans l'eau bénite et je fais le signe de croix sur ma poitrine, comme une bonne chrétienne. L'église est vide, pour l'heure, bien normal puisqu'il est dans les petites heures du matin alors que le soleil n'est pas encore levé. Car si autrefois je n'aimais pas m'asseoir ici, aujourd'hui j'apprécie ces bancs de pierre. J'aime m'y installer et écouter le sermon du prêtre, dans une vraie langue de nos jours, et me repaitre des pensées qui animent les croyants alors qu'ils sont assis ici, se croyant éclairés de la lumière divine.

Je m'installe à l'arrière, comme d'habitude. C'est plus facile ainsi de sélectionner ce que je vais écouter ou tout simplement ignorer. Et même si à cette heure matinale il n'y aura personne à écouter, j'aime bien tout simplement m'asseoir ici et réfléchir à tout, et à rien. Cet endroit me détend, me calme. Me fait oublier mes soucis.

Jusqu'à ce qu'une femme entre à son tour, emplissant l'air à son arrivée d'une odeur que je sais reconnaître entre mille et qui me soulève le cœur à chaque fois.

-Hybride, je siffle entre mes dents, assez fort pour qu'elle m'entende.

La réaction que j'attends ? Elle va probablement s'examiner, essayant de voir si quelque chose transparait de son état, puis regarder partout et me voir. Ensuite, eh bien nous verrons.

listening to Daniel Powter - Bad Day

Je poussai timidement la porte de l'église et entrai discrètement. J'avais mis un long manteau et dissimulai ma tête tant bien que mal avec un foulard et des lunettes de soleil. Une fois à l'intérieur, je fus bien obligée d'ôter tout ça. Mes oreilles pointues et mon visage félin exposés au grand jour, je pus continuer. Je me signai avec l'eau bénite et parcourus l'allée centrale des yeux avant de m'asseoir sur un banc au dernier rang. Je devais éviter autant que possible d'être vue, mais ma grand-mère m'avait dispensé une éducation catholique. Et il était dur de se débarasser des vieilles habitudes, surtout quand elles ont été inculquées par des êtres aimés. et puis de toutes façons il n'y avait qu'une seule personne dans cette église, une femme. ce n'était tout de même pas elle qui m'arrêterait.
Alors que j'étais occupée à me recueillir, la femme qui était placée juste derrière moi siffla entre ses dents "Hybride !". Je commençais à en avoir ma claque de ces personnes intolérantes. Nous étions revenus en 1940. Les humains sont toujours occupés à détester ceux qui sont différents, et ce même s'ils ont un jour aimé ces êtres différents. L'humanité est ainsi faite. Pourquoi étais-je à présent si détestée ? J'étais pourtant belle avec mon minoi félin. Je me retournai vers ma voisine de derrière pour lui glisser:

"Je préfère de loin être une hybride qu'une nazie !"

Depuis le temps, je m'étais faite à l'idée de ne plus être une humaine. j'en éprouvais même une certaine fierté. J'avais été bénie de pouvoir encore rivaliser avec les meilleurs mannequins humains malgrès ma mutation.

J'ai été étonnée, quand cette hybride a ôté son chapeau. Je veux dire … son visages est très parlant de lui-même sans avoir besoin des oreilles, mais ces autres malformations peuvent, à la limite, faire penser à un bec de lièvre ou à une malheureuse mutation. Autrefois, elle a du être jolie. Maintenant, c'est un monstre, un monstre hideux dans le corps d'une jeune femme qui a probablement bien mérité ce qui lui arrive. Aucun hybride ne nait pour rien. Ils ont tous du faire quelque chose de répréhensible, eux ou leurs ancêtres. S'il y avait un dieu juste en ce bas monde, je dirais que c'est la réponse divine au péché de l'homme.

J'ai été encore plus étonnée quand son visage s'est tourné vers moi et que j'ai pu la reconnaître. Cette femme ne m'était pas inconnue. J'ai laissé transparaître mon étonnement sur mon visage. Cette hybride avait été actrice. Je la connaissais, bonne cinéphile que j'étais. Je l'avais même admirée dans Après Vous Madame !, Un Sucre ou deux ? et dans Les Anges portent des bas résille. Certes, il y en avait d'autres, mais c'était ces titres qui me revenaient en premier. J'ai admiré une hybride. Je laisse échapper un feulement sourd d'animal offusqué. Je me suis laissée avoir par son talent. Les films n'étaient certes pas des meilleurs, mais l'actrice était … une hybride. Cesse de voir le fait que tu l'as un jour admirée. Ce temps est révolu. Regarde la un peu ! Qui pourrait-elle séduire maintenant, même avec beaucoup de talents ?

-Je préfère de loin être une hybride qu'une nazie!

C'en est trop. À cette réplique, je me permets d'éclater de rire. Me traiter de nazie. Je n'ai rien contre les juifs, ni contre les races, ni contre les handicapés. Je les considère tous égaux. Et comme l'a dit Hitler, de quoi vivrait l'Église si ce n'était du péché des hommes ? L'on aura beau dire, Hitler avait de la jugeote, pour un humain. S'il avait été immortel et moins fou vers la fin de sa campagne, il aurait pu accomplir de grandes choses.

- L'Etat populaire doit instaurer la race au centre de la vie et prendre soin de la garder pure, je cite, veiller à ce que seuls les individus bien portants aient des enfants. Car la pire faute est d'en mettre au monde lorsqu'on est malade ou malsain ; rien n'est alors plus honorable que de s'en abstenir. En accomplissant cette tâche éducatrice, l'État prolonge, au point de vue moral, son activité pratique. Il ne s'inquiétera pas de savoir s'il est compris ou non, approuvé ou blâmé, pour agir suivant ces principes... Si, pendant 600 ans, les individus dégénérés physiquement ou souffrant de maladies mentales étaient mis hors d'état d'engendrer, l'humanité serait délivrée de maux d'une gravité incommensurable ; elle jouirait d'une santé dont on peut aujourd'hui se faire difficilement une idée. En favorisant consciemment et systématiquement la fécondité des éléments les plus robustes de notre peuple, on obtiendra une race dont le rôle sera, du moins tout d'abord, d'éliminer les germes de la décadence physique et, par suite, morale, dont nous souffrons aujourd'hui.

Je souris, découvrant les dents pour qu'elle voie bien à quel genre de personne elle s'adresse, qu'elle ne croit pas que je suis une simple humaine.

-Vous, hybrides, êtes une dégénération de l'espèce humaine. Vous retournez à l'état animal. Nous, vampires, sommes une évolution.

Je n'en crois pas mes belles oreilles de ce que cette femme vient de me répondre. J'avais raison, c'était bien une de ces sales pronazies qui après les juifs et les noirs se rabattent sur les hybrides. Elle me regardait avec un air insolent, j'avais une folle envie de la gifler. Alors que j'allais lui lançer une réplique bien cinglante, elle sourit, dévoilant des canines qui n'avaient rien à envier aux miennes.

"Vous, hybrides, êtes une dégénération de l'espèce humaine. Vous retournez à l'état animal. Nous, vampires, sommes une évolution. "

Je réussis à cacher ma surprise grâce à mon talent d'actrice, mais j'étais tout de même étonnée. Etait-ce vrai ? Avais-je en face de moi une véritable vampire ?

"C'est moi que vous traitez de dégénérescence de l'espèe humaine ! Je crois que c'est le contraire. Je ne suis peut-être pas aussi belle à vos yeux que du temps de ma gloire, mais moi au moins je n'ai jamais fait de mal à personne. Parce que excusez-moi d'être franche, mais vous avez vraiment une tête à manger des enfants. Et quoi que vous soyez, je ne vois pas en quoi j'aurais moins le droit de vivre que vous. J'ai toujours été honnête. J'ai dédié ma vie à l'art qu'est le cinéma. J'ai toujours fait le bonheur de mes proches. Et vous ? Nous ne nous conaissons même pas et la première chose que vous trouvez à faire c'est m'insulter. Je ne veux même pas savoir combien de personnes vous avez déjà tué. Vous êtes une tueuse, ça se lit dans vos yeux. C'est plutôt vous et vos crimes qui parasitez l'humanité."

Comme tous ceux de sa race inférieure, cette hybride ne comprend rien à rien. Nous, des meurtriers ? Nous, des erreurs de la nature ? Cela fait deux personnes que j'ai rencontrées récemment qui me tenaient le même discours. Pourquoi est-ce que personne ne voit que le véritable ennemi, c'est la race angélique ? Ces lâches qui se cachent derrière la beauté de leur divinité et de l'histoire sacro-sainte de cette satanée église. Ce qui me répugne dans ce genre d'endroits, ce sont les gravures de ces adorables petits chérubins qui ornent le plafond, les murs, les objets ! Tout est envahi par ces maudits anges et personne ne voit le mal qu'ils font.

-Nous ne sommes pas des meurtriers, je dis en m'avançant dans l'allée centrale de l'église. Nous ne sommes qu'un élément de plus dans la chaine alimentaire. Un élément au-dessus des autres. Le prédateur. Vous ne vous offusquez pas lorsqu'un tigre bondit sur sa proie.
Je sais que certains nous ont traités de cannibales, parce que nous mangions nos semblables. Le fait est qu'une fois mordus, nous ne sommes plus humains, et que nous avons besoin de cette chaire pour survivre. La seule qui puisse nous faire tenir debout et vivre, à notre manière. Nous ne sommes pas plus mauvais que l'homme qui chasse sa nourriture, ou pire encore, qui élève des animaux dans le seul but de les tuer ensuite.

J'ai fait voir à quelqu'un, récemment, ce qu'étaient réellement les anges. Et cet acte m'a donné envie d'essayer quelque chose. Je verrai, d'ici peu, si je prendrai aussi cette jeune hybride comme cobaye. Je m'avance, juqu'à être à sa hauteur. Je ne me montre pas le moins du monde aggressive, tout au plus un peu méprisante, comme je le suis toujours envers les impurs. Mais de mon esprit jusqu'au sien s'envole une impression de détente que je veux qu'elle partage. Je n'ai jamais aimé approcher les gens de trop près quand ils sont totalement conscient du danger que je représente.

listening to Coldplay - Viva la Vida ♥

"Nous ne sommes pas des meurtriers. Nous ne sommes qu'un élément de plus dans la chaine alimentaire. Un élément au-dessus des autres. Le prédateur. Vous ne vous offusquez pas lorsqu'un tigre bondit sur sa proie. "

plus les choses vont, moins je la sens, cette femme. Ayant une conaissance poussée du théâtre et des expressions du visage, je n'eus aucun mal à perçevoir le mépris que cette femme me portait. Je lui rendis sa mimique. J'essayais toujours de me montrer amicale avec les autres, mais cette femme me dégoûtait vraiment.

"Alors c'est comme ça que ça marche pour vous ? Je suis une inférieure ? Et vous, bien sûr, vous vous croyez supérieure ? Je me moque totalement de ce que vous êtes, mais si vous étiez aussi noble que vous le prétendez vous auriez un minimum de politesse envers les autres. Vous n'êtes pas obligée de m'aimer, je ne vous aime pas plus, mais je vous prierais d'employer un autre ton avec moi.."

Je recule un peu. Cette femme a le don de me faire hérisser le poil rien qu'en s'approchant de moi. J'ai un cran d'arrêt dans ma poche et meurs d'envie de le lui planter dans le coeur, comme dans "La mort en velours rouge". Mais je m'efforce de rester calme. Je ne devais pas me rabattre à son niveau. Il fallait que je lui montre à quel point j'étais courtoise et bien éduquée et à quel point elle était malpolie et détestable.

Je remarque avec amusement les petits signes avant-coureurs de la colère chez mon interlocutrice. Que croyait-elle ? Qu’en s’affirmant hybride dans un lieu public, les gens lui sauteraient au cou pour l’embrasser ? Elle a déjà été actrice, vénérée, adulée, mais c’est loin d’être encore le cas aujourd’hui. Maintenant cette femme n’est plus rien qu’une erreur de la nature et elle ne l’a pas encore admis. Pourquoi ne fait-elle pas comme la majorité de ses semblables et ne se contente pas de vivre loin de cette société qui n’est pas faite pour être la sienne ? Les hybrides qui vont vivre dans les bois ou dans d’autres lieux reculés ne me dérangent pas le moins du monde. Mais les hybrides qui tentent de rester humains aux yeux des humains ... Certes, les humains peuvent être trompés facilement. Mais moi, ces créatures, je les reconnais à leur odeur fauve, animale. À l’odeur de leur peur, de leur peur d’être traqués, trouvés, et étudiés. Ou tués.

Sa réplique me fait presque rire. Oui, bien sûr. Un autre ton. Je souris et quand elle recule, je m’approche encore, les mains relevées en signe de paix. Je les passe ensuite sur ma jupe pour la lisser avec soin et je m’assieds confortablement sur un siège de l’église, juste devant elle.

-Vous avez sans doute raison, très chère. Je ne connais pas tout des hybrides, peut-être n’êtes-vous pas inférieurs. Mais vous ne connaissez vous non plus pas tout des vampires, et je ne pense pas me tromper en l’affirmant. N’est-ce pas ?

Je n’attends pas vraiment de réponse, je pointe le menton vers le banc, à côté de moi. Et comme je sais - et je sens - qu’elle me soupçonnera de vouloir la dévorer ou la tuer :

-Ne vous en faites pas. Si j’avais voulu vous tuer, je l’aurais déjà fait, Lola. Je viens tout juste de manger et, de toute façon, nous ne mangeons pas les hybrides.

listening to Apoclyptica

"Ne vous en faites pas. Si j’avais voulu vous tuer, je l’aurais déjà fait, Lola. Je viens tout juste de manger et, de toute façon, nous ne mangeons pas les hybrides. "

C'est plutôt encourageant, mais je reste tout de même sur mes gardes. Jamais je ne pourrais faire confiance à quelqu'un qui semble avoir un sens moral proche du néant.

"Non, je ne nierais pas que je ne sais rien des vampires. Avant de vous rencontrer je ne conaissais même pas leur existence. Quoi que je sache ou quoi que j'ignore, je suis sûre d'une chose, c'est qu'il n'y a pas de race supérieure ni de race inférieure."

Je me tais un moment et commence à arpenter l'église d'un pas de mannequin. Pendant une vingtaine de secondes, aucun son ne se fait entendre à part le claquement de mes talons aiguilles.

"Vous voulez savoir ce que je pense, en fait ? demandai-je en regardant le reliquaire. Vous et moi sommes deux évolutions de l'espèce humaine. Nous sommes plus proches l'une de l'autre que nous le sommes des humains. Nos espèces ont juste suivi des voies différentes. Après tout, j'ai été humaine avant. Et vous-même avez sûrement été humaine un jour, non ?"

Je m'approche d'elle avec toute l'aisance que j'avais appris à avoir sur scène.

"Même si nous pensons différement, que j'aime les autres et que vous les méprisez, je ne crois pas que l'une d'entre nous soit inférieure par rapport à l'autre."

[Tu serais d'Accord pour être capturée et emmenée dans les catacombes ? Ça ferait de la compagnie à Bingo dans les cachots xD ]

Ces paroles idéalistes me rappellent quelque chose. Cet ange idéaliste avec lequel j'ai partagé toutes mes pensées, tous mes souvenirs, pour adopter les siens en même temps, Yaku, qui croyait en un futur de paix, où toutes les races ne feraient qu'une, et moi, à cette même époque où les pensées de Yaku et les miennes ne faisaient qu'une. J'ai déjà été aussi idéaliste. Maintenant, je me dis que cette paix ne sera possible qu'une fois que les anges seront tous morts, et que la tête d'Ashael soit tranchée, puis exposée aux pieds du cadavre de Zacharia ! Les hybrides ne me dérangent que parce qu'ils sont nuisibles. Les anges parce que ce sont des anges. Les humains ne sont que de la nourriture. Ils sont essentiels. Mais de là à ce qu'il n'y ait pas de race supérieure … n'est-ce pas celle qui parvient à asseoir sa puissance sur les autres qui est supérieure ? Il me semble bien que oui.

J'observe l'ex comédienne arpenter le sol de ce lieu saint, une mine songeuse étampée sur son horrible visage déformée par sa maladie. Je crois que si j'étais victime de ce sort, je me serais jetée depuis bien longtemps dans les flammes pour y mourir brûlée vive.

Puis elle pousse la plaisanterie plus loin en affirmant que les hybrides, à l'image des vampires, sont eux aussi une évolution de l'espèce. Dieu qu'elle est bonne. Toutefois, mon visage garde autant d'expression qu'une pierre et, même si elle était douée lire les émotions, elle ne regarde même pas dans ma direction, et je peux être aussi neutre qu'un mur de briques. Je me plais à lui faire croire que je suis tout à fait d'accord avec elle. Peut-être finira-t-elle-même par croire que les vampires maltraitent les hybrides parce qu'ils en ont peur. Ce serait tellement amusant de la voir penser une chose aussi folle. Puis elle s'approche, et je souris doucement à ses propos, comme la mère bienveillante que je suis. Seulement, ce statut de mère bienveillante ne s'applique qu'en présence de mes chéris.

-Certes, vous avez sans doute raison. Qui suis-je sinon une femme probablement fatiguée d'avoir vécu quelques siècles de plus que la majorité des vivants ? Sans doute mes idées sont celles de mon époque. Vous savez, les temps étaient durs à l'époque, bien plus qu'aujourd'hui. Il fallait survivre plutôt que vivre. Vous, hybrides, devez comprendre ce mode de vie. Je ne peux qu'avouer qu'à l'image des personnes âgées qui refusent d'adopter la technologie, je dois m'ancrer dans ce qui a été, plutôt que de vivre avec le présent.

Je pose doucement mon regard dans le sien, essayant de ne pas loucher sur ce museau qui déforme toute la beauté de son visage. Je me souviens d'elle lors de ses années de gloire. C'était l'une des femmes les plus belles que le monde ait porté. Je suppose que je pourrais être honorée de me trouver auprès de l'une de mes idoles. Et je suppose que malgré moi, une petite lueur d'admiration pourrait briller dans mon regard.

listening to Ram Jam - Black Betty

[D'accord, mais vas-y mollo. Je suis une invitée de marque et je n'accepterais pas d'être mal traitée ^^]

"Certes, vous avez sans doute raison. Qui suis-je sinon une femme probablement fatiguée d'avoir vécu quelques siècles de plus que la majorité des vivants ? Sans doute mes idées sont celles de mon époque. Vous savez, les temps étaient durs à l'époque, bien plus qu'aujourd'hui. Il fallait survivre plutôt que vivre. Vous, hybrides, devez comprendre ce mode de vie. Je ne peux qu'avouer qu'à l'image des personnes âgées qui refusent d'adopter la technologie, je dois m'ancrer dans ce qui a été, plutôt que de vivre avec le présent. "

Je ressens comme une drôle d'intonation dans ses paroles. Du mépris ! Elle se moque de moi. Quelle personne détestable ! Méprisante et méprisable.

"Je ne vois toujours pas pourquoi vous pouvez bien en vouloir aux hybrides. J'ai beau chercher, je ne vois pas ce que j'aurais pu faire pour m'attirer votre colère. Et pourtant, je vois bien que vous me considérez comme si je sortais d'une poubelle. Qu'est-ce que les hybrides ont bien pu vous faire pour que vous en arriviez à cette haine généralisée ?"

Je reste un moment debout, face à elle, la toisant de haut en bas. Puis, n'y tenant plus, je ramasse le manteau que j'avais laissé sur le banc et me dirige vers la porte.

"Sur ce, je m'en vais. Et je ne vous salue pas. Si vous le voulez bien, réfléchissez à tout ce que je vous ai dit. Puisez dans le peu d'humanité qu'il vous reste pour méditer sur la question. N'ayez crainte, je ne parlerais de vous à personne."

[Bingo s'est enfuie … tu serais toute seule d'hybride dans les cachots (à part PNJ). Ça t'ennuie ? Tu veux toujours que je te capture XD ?]

Pourquoi j'en voudrais aux hybrides, qu'elle demande. Pourquoi ? Pourquoi les hommes se haïssent entre eux ? Je n'estime pas avoir à répondre à cette question, tant qu'on n'aura pas trouvé de réponse satisfaisante à l'autre question. Nous, vampires, avons la décence de ne pas nous entretuer ! Une race, pour être forte, doit être unie. Les hybrides ne sont pas unis, pas plus que les humains. Il n'y a donc, pour moi, pas de race en tant que telle pour ces deux là.

J'écoute la femme déblatérer sur le sort des pauvres hybrides sans défense – sort qui ne m'attire aucune pitié, je dois le préciser – puis la regarde s'éloigner vers les portes du sanctuaire. Dehors, il fera bientôt jour. J'y serai aveugle. Je me dématérialise et réapparais devant elle, entre la porte, mince filet de brume noire devenant femme. J'ai toujours aimé l'effet que ce pouvoir avait sur l'homme, lui qui s'est toujours imaginé que les vampires se changeaient en chauve-souris. Dieu non ! C'est un animal si dépourvu de grâce, je ne supporterais pas de me transformer en cet être horrible, ne serait-ce que pour deux minutes de mon existence. La brume, ça a plus de classe.

-Je vais vous dire une chose, Lola. Les hybrides ne sortent peut-être pas d'une poubelle, mais si vous saviez d'où ils sortent, vous préféreriez cette option, ou alors vous vous donneriez la mort vous-mêmes.

Moi je sais d'où ils viennent. Je l'ai appris de source sûre. J'ai grappillé cette information auprès d'un ami très cher, un ami au savoir démesuré et à l'intelligence toute aussi vive. Je ne mettrais sa parole en doute pour rien au monde, surtout lorsqu'il a un verre dans le nez. Toutefois je ne peux rien divulguer de ceci. Je le garde pour moi, précieuse ignominie que je savoure en silence quand j'ai à diriger ma haine sur quelque chose. Hybride… Rien ne mérite aussi peu de vivre.

-Comprenez bien : je préfère être traitée de nazie ou de femme odieuse plutôt que d'être née sous une mauvaise étoile, comme votre genre.

Je n'ai rien à envier à personne, si ce n'est que de la tranquillité d'esprit !

listening to Nine Inch Nails - Closer - percusor

(Y'a pas de problème)

Alors que je m'apprêtais à sortir de l'église, la femme se matérialisa juste devant moi. Surprise, je stoppai net et fis trois pas en arrière.

"Je vais vous dire une chose, Lola. Les hybrides ne sortent peut-être pas d'une poubelle, mais si vous saviez d'où ils sortent, vous préféreriez cette option, ou alors vous vous donneriez la mort vous-mêmes. "

Cette femme poussait le vice à me retenir pour m'entretenir encore de ses paroles mesquines. Pendant un moment, je fus tentée de la gifler puis de la laisser là. Je n'en fis bien sûr rien du tout. Je ne devais pas me rabaisser à son niveau.

-Je sais très bien d'où je viens. Nous venons toutes les deux du ventre d'une mère humaine qui nous a portées pendant neuf mois avant de souffir pour nous mettre au monde.
-Comprenez bien : je préfère être traitée de nazie ou de femme odieuse plutôt que d'être née sous une mauvaise étoile, comme votre genre.
-Alors là, vous vous trompe sur toute la ligne. je ne pense pas être née sous une mauvaise étoile. Regardez-moi. Je suis couverte d'une fourrure plus douce que ce que l'on peut trouver. J'ai une excellente vision nocturne, une bien meilleure ouïe que celle d'un humain. Je ne pense pas être la plus à plaindre de nous deux. Je dirais même que c'est vous qui êtes la plus mal nantie si pour évoluer vous avez dû renoncer à vos sentiments...à moins que vous n'ayez toujours été comme ça. Si c'est le cas je vous plains. Sur ce, je vous dis adieu.

je la contournai en prenant soin de ne pas la toucher de peur de me salir et ouvris la porte.

Je ne portai que peu d'attention aux bêtises qu'elle me dit. J'ai vu nombre d'hybrides agir de la sorte. Ils ne voient pas l'aberration qu'ils sont, ou, au contraire, tentent de se convaincre qu'ils ne sont pas monstrueux mais "spéciaux". Absurde. J'ai entendu ce refrain de trop nombreuses fois. Aussi, je me laisse distraire par autre chose. Il y a de cela fort longtemps que nous n'avons pas eu de spectacle divertissant dans les catacombes. L'idéal serait de capturer un ange, mais ils se font rares et discrets, dernièrement. Faute de mieux, un hybride fera l'affaire. J'examine la femme. Frêle. Elle ne serait probablement pas très résistante face à une autre créature. Qu'avons-nous dans nos prisons ? Des humains, qui ne présentent pas grand divertissement. Même face à un humain, je mettrais vingt dollars sur l'humain. Et plus encore.

Quand les portes s'ouvrent, ma vision s'affaiblit, sans s'éteindre totalement. Je plisse les yeux, recule un peu dans l'ombre des portes. Ce que je vois de Lola est flou, comme si je regardais à travers du verre. Et sombre. Je soupire. Si je veux un spectacle, c'est maintenant ou jamais. Je ne converse pas souvent avec ces créatures. J'évite de fricoter avec eux.

-Je ne crois pas que notre entretien soit terminé, je dis d'une voix doucereuse avant de la saisir par les cheveux et de la tirer à nouveau dans l'église, sans douceur aucune.

La poussant plus loin, je ferme les portes dans un grand claquement sonore. Puis je me tourne vers elle. Je regarde le fond de l'église. Toutes les chapelles, toutes les églises, ont leur passage pour les catacombes. Celle-ci est juste sous l'autel, au fond. L'y emmener ne devrait pas être très difficile.

-Nous allons seulement changer d'emplacement. Cela vous sied-t-il ?

listening to Alice in Chains - I can't remember