Nouvelle flamme... [PV Dylan]

C’est fait. Je deviens fou. Complètement sénile. Cet adolescent gourment me ruine jusqu’à la moelle! Il suce mon argent, mon énergie, ma vie ! Je soupçonne même qu’il désire se venger de sa nouvelle condition en me faisait chèrement payer tout ce que je lui impose. D’abord, ce jeune imbécile à la cervelle d’âne se permet de s’approprier mon humble demeure et de dérober maints objets scintillants figurant dans ma célèbre collection amassée sur cinq siècles d’existence à travers les époques. Aussi, ce fichtre de Dylan me somme de lui procurer moult pâtisseries succulentes des plus grands pâtissiers de Paris ainsi que de loger une certaine jeune femme bruyante après une nuit complète de consommation de substances illicites et de vagabondage dans les rues de cette ville des lumières. Et, le comble du malheur, ce minuscule crapaud profite de son adorable minois pour m’amadouer et me manipuler à sa guise. Sale rat ! Sale chien ! Sale vermine de …

-Laaaaannnnnn ! geint Dylan en apparaissant dans ma chambre, la mine boudeuse.

-Qu’y a-t-il encore, Dylan ? je soupire en relevant mes yeux de mon livre.

Ce dernier s’avance rapidement, bondit sur le lit et vient se blottir contre mon torse en gémissant que mes chiens lui font peur et qu’il souhaiterait que je m’en débarrasse au plus vite. Agacé, je grommelle quelques imprécations bien colorées avant de répéter à mon cher compagnon que je garde ma meute de chiens sauvages quoiqu’il en dise. Frustré, Dylan émet une espèce de grognement aigu et peu impressionnant tout en me foudroyant du regard. Pour toute réponse, je le gratifie d’un aimable sourire avant de replonger dans ma lecture.

-Lan ?
-Oui ?
-Qu’est-ce que tu lis ?
-Le conte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas.
-Qui est Alexandre Dumas ?

Non mais c’est pas vrai. Il ignore tout du célèbre écrivain français ? Mais où a-t-il suivi ses études, cet empoté ?

-Un écrivain, je réponds d’une voix froide comme pour lui faire comprendre qu’il me dérange un peu.

Quelques minutes de silence s’écoulent pendant lesquelles Dylan se trémousse, se déplace, change de position, marmonne, grogne, ricane, s’immobilise, attrape l’une de mes mains pour l’évaluer et comparer sa grandeur avec l’une des siennes et rabat la couverture sous son menton afin de se réchauffer.

-Laaaaaan ?
-Qu’y a-t-il cette fois ?
-Raconte-moi une histoire…
-Quoi ? je fais en clignant des paupières, perplexe.

-Ben oui, une histoire, comme dans "raconte-moi une histoire" … Comme dans dessine moi un mouton aussi, mais je ne veux pas que tu me dessines un mouton. Peut-être que tu pourrais me dessiner un raton. Tu sais dessiner les ratons ? J'aime ça les ratons, c'est mon animal préféré. C'est quoi le tien ? Sûrement le chien, t'as pas de goût, et t'en as une meute. Tu sais, tes chiens eux, ils ne m'aiment pas. Ils passent leur temps à me menacer.

Je vais passer par-dessus le fait que j'aime bien les provoquer. D'accord en fait, j'adore ça. C'est mon passe-temps préféré quand je ne peux pas sortir dehors pour m'amuser. Il n'a l'air de rien comme ça le Lan - c'est vrai qu'il a l'air de rien – mais il est sévère. J'ai pas le droit de sortir sans lui, ou sans un "adulte responsable". L'ennui, c'est que des adultes responsables, à part lui, je n'en connais aucun. Aucun autre n'endurerait ma compagnie, plutôt.

Lan me regarde avec de grands yeux, comme à chaque fois que je me mets à sauter du coq à l'âne. On dirait que sa vieille caboche de vampire a du mal à suivre mes folles élucubrations (♥). Je glousse, amusé par la tronche qu'il tire. Si j'avais un appareil photo, je sais ce que je ferais avec en tout cas.

-Alors ? Cette histoire !!!?

-Je ne vais pas te raconter une histoire, grogne-t-il, essayant de se plonger dans son livre. Tu n'es pas un enfant, tu peux lire tout seul.

Je me renfrogne, pousse l'un de mes grognements terrifiants qui n'affectent jamais ce sale vampire de mes fesses et donne un coup de tête dans son épaule, sur laquelle je m'étais un peu plus tôt frotté affectueusement, comme un gentil animal en quête de caresses. Caresses que je n'ai d'ailleurs pas plus obtenues que la lecture de cette histoire. Furieux, je plante mes petites dents dans son épaule. Le vampire grogne, me pousse au bas du lit, et je remonte, encore plus mécontent qu'avant.

-JE VEUX QUE TU ME LISES UNE HISTOIRE !

-TU N'ES PAS UN ENFANT !

-OUI !

-ET JE NE SUIS PAS TON PÈRE !

Fort heureusement d'ailleurs. Ces mots me laissent silencieux, songeur. Si Lan était mon père, ou lui ressemblait un tant soit peu, je m'enfuirais tout de suite, avant qu'il ne décide de m'abandonner. L'ennui, c'est que je sais qu'il le fera s'il retrouve sa bague. Il n'aura plus besoin de moi, et je vais me retrouver tout seul, encore, avec pour seule compagnie un corbeau hyperactif. Je soupire. S'il découvre que je suis un hybride aussi, je ne donne pas cher de ma peau. Je décide de me faire tout petit, de me contenter de reprendre ma place dans son giron et de fermer les paupières sous mes lunettes fumées. Je constate après quelques instants, avec un petit sourire, que Lan a continué sa lecture, mais à voix haute. Je n'y comprends pas grand-chose à ce comte machin truc, mais j'apprécie l'attention.

Si j'étais un chaton à défaut d'être un raton, je ronronnerais.

listening to Jet - Look What You've Done

-Plait-il ?

-Ben ouais…J’aime pas quand tu dis le conte de monte cristo, c’est pas joli comme nom.

Je soupire et marmonne tout doucement que cet adolescent emplumé risque de causer ma perte l’un de ses jours. À ces mots peu agréables, le petit Dylan me sourit de ce petit sourire adorable et mignon puis se frotte amoureusement contre mon épaule alors que ses petites mains agrippent ma chevelure et entortillent les mèches. Alors, je lui demande quel nom veut-il que j’emploie pour désigner le conte de monte cristo et Dylan fronce son petit nez retroussé, mais j’imagine que ses paupières se plissent sous l’effet de la concentration vu l’angle de ses sourcils et les légers plis sur sont front. Et, à la suite d’une merveilleuse idée dont je crains de connaître, il me frappe la poitrine et, tout souriant tout enjoué, m’annonce que le conte de monte cristo deviendra le conte de monte raton.

-Le conte…de monte Raton ? je réitère peu convaincu et irrité à la fois.

Ce bougre de Dylan se décide non seulement de ridiculiser l’un des personnages les plus réussis de toute l’histoire de la littérature, mais il se permet de modifier un chef d’œuvre d’Alexandre Dumas ? Et le petite chenapan me mordille les muscles du bras afin que je cède à ses amers caprices tout en me griffant les flancs et émettant son cri de chat agonisant. Je soupire, incline la nuque devant cet ordre et poursuis ma lecture en frissonnant de dégoût dès que je dois prononcer le conte de monte raton.

-Mets plus d’intonation dans ta voix, Lan ! se réprimande mon compagnon en boudant. Sinon, je m’endors.

Si au moins il pouvait s’endormir et me ficher la paix, de cette façon je pourrais continuer ma lecture sans m’écorcher les oreilles et heurter ma pauvre langue meurtrie de ses fautes volontaires d’élocution. Dumas doit présentement se retourner dans sa tombe tant je blasphème sur son œuvre. Ainsi donc, pour satisfaire les désirs de mon auditeur, j’exécute un impressionnant spectacle de voix qui me surprend moi-même, cependant, Dylan, toujours mécontent, m’interrompt.

-Pardieu, Dylan ! Qu’y-a-t-il encore ?

-Ben…Il manque quelque chose, minaude-t-il.

-Plait-il?

-Faudrait que tu joues les personnages pour que ça soit réel…Et le conte de monte raton, tu pourrais agir comme un raton, t’as déjà vu des films sur les ratons ou lu des articles sur les ratons ? Sinon, je pourrais t’aider. J’aime les ratons, tu sais que j’aime les ratons ? Ils sont gentils les ratons.

Sacrebleu, je suis tombé sur un imbécile qui fait une fixation débridée sur les ratons et un amateur de théâtre…

[ark ... excuse moi, c'est vraiment nul XD]

Quand je repense à ça … bordel, c'était impayable ! Un type comme Lan, juste de l'imaginer en train de singer un raton. Heureusement qu'il a refusé de le faire, car j'aurais pu être insulté par ses imitations. C'est vrai parce qu'après tout, à part les ratons, qui sait ce que sont des "manières de raton" ? Pas grand-monde ! Je suis sûr qu'il nous aurait fait ressembler à des rats, alors que nous n'avons rien en commun avec eux, absolument rien ! Tout le monde se méprend sur notre compte : c'est malheureux. Enfin, juste de le voir essayer de se justifier sur le pourquoi du comment il refusait d'accéder à ma requête, de le voir gesticuler et rougir d'ennui et d'exaspération … ça valait le coup. En fait, le comte de Monte Raton, c'est cool, mais l'histoire j'y pige rien. Que dalle !

-Mais avoue qu'tu trouves ça mignon, un raton ! Du genre que, si t'en avais un chez toi, tu le gaverais de friandises.

-Je le jetterais à la rue. Ce sont des nuisibles, ces bêtes, grommelle-t-il. Ils se battent avec les chiens et fouillent les poubelles.

Je hoquète, furieux de me faire traiter de la sorte.

-Un peu comme toi, quoi, ajoute-t-il, moqueur.

Alors comme ça, je suis un nuisible ? hein ? Ça ne se passera pas comme ça. Agacé, je roule dans le lit, me tortille et plante mes dents dans son bras, très mécontent en grognant que les ratons sont des créatures nobles.

-Qu'est-ce que tu y connais à la noblesse ? demande-t-il, me repoussant brutalement. Tu vivais dans la rue avant que je ne te ramasse. Et tu me mords comme un chien enragé. C'est très noble, comme comportement…

Je pousse un couinement quand il me bouscule. Je n'ai jamais aimé être brusqué, par qui que ce soit. Je supporte les bourrades amicales de Souny, mais dès que ça dépasse le stade l'amitié ou se situe bien en dessous, je me rebiffe, perds de mon tempérament mignon et attachant. Je respire un peu plus bruyamment, jusqu'à pousser un grognement sourd, provenant du fond de ma gorge. Un grondement lourd de sens et qui semble laisser Lan sans voix. Je n'aime pas être brusqué. Je me souviens du premier soir où j'ai rencontré ce vampire : il m'a encastré dans le plancher !

-Dylan … dit-il en tendant la main vers moi.

Je repousse la main tendue avec rudesse.

-M'touche pas ! je gronde. Tu dors sur le divan aujourd'hui !

Cette fois il me regarde avec sévérité. Il a l'air de se demander si je suis sain d'esprit, et s'il doit me coller une bonne dérouillée pour ce que je viens de dire. Il me rappelle, d'une voix calme qui se veut apaisante, que c'est sa maison, sa chambre …

-J'suis l'invité. Si on dort pas avec lui, on lui cède son lit ! Tu vois, j'en connais des règles de bonne conduite !

Je lève le nez avec dédain, lui indiquant la porte du menton.

listening to Flyleaf - Red Sam

Respire…Respire…Respire…Détends tes mains contractées, relâche la pression de ta mâchoire, maîtrise le flux de profonde et terrible colère que je ravale avec difficulté. Cette petite peste mérite un châtiment bien mesuré pour ses propos tenus ainsi que pour son comportement de jeune écervelé se croyant tout permis. D’un coup de mains habiles; tu pourrais lui rompre la nuque, d’un claquement sec de crocs; tu pourrais lui tordre le cou sous ta gigantesque morsure et ainsi lui rabattre le claquet à cet emplumé. Oh mais je ne suis point violent, du moins, comparativement à la moyenne d’agressivité notée chez les autres Vampires. Ceux-ci se baignent dans une rivière de sang, excités, tout en dévorant des membres humains désarticulés. Ils se réjouissent des plaintes sourdes de leurs victimes, se régalent de leur douleur défigurant leurs traits, de leur désespoir grandissant et renversant. Un peu comme cet Ange réputé pour son insatiable soif de sang et de mort. Je ne l’ai jamais rencontré personnellement et c’est aussi bien comme ça. Les Vampires qui ont eu affaire à cette créature unique en font encore des cauchemars lorsqu’ils abaissent leurs paupières livides. Et puis de toute façon, je ne suis pas homme à posséder un vaste réseau de connaissances importantes; ma seule compagnie se constitue en un jeune adolescent stupide et bouché qui bafoue la littérature avec son ignorance et sa sottise en plus de m’imposer le divan dans ma propre demeure.

-Vous connaissez l’étiquette convenable pour un bon hôte, mon cher Dylan, seulement je ne suis point le vôtre, mais plutôt un colocataire. Par ailleurs, j’ai installé moi-même votre chambre près de la mienne et de cette manière, nous pourrions souffler un peu tranquillement. Y voyez-vous un certain inconvénient ?

Le petit Dylan, les draps jusqu’au menton, me fixe derrière ses absurdes lunettes noires, se pince les lèvres et secoue la tête avec frénésie, ses cheveux virevoltant énergiquement selon ses mouvements vifs. Je soupire et lui demande de s’expliquer d’une voix épuisée et lasse. Sa réponde me laisse d’abord au dépourvu et ensuite je me questionne sérieusement sur la nécessité de garder un tel individu sous mon toit. Mais l’image de ma précieuse bague surgit de mes souvenirs avec force et douleur. Alors, je me revois quelques centaines d’années plus tôt, dans les bras de mon serviteur, dans les forêts florissant les contrées de mon père. Je sens encore sur ma vieille peau la douceur de ses caresses, la passion ardente de ses baisers bestiaux, son comportement lorsqu’on s’étendait sur un lit, un tapis de feuilles, de la paillasse, dans une voiture. Mon cœur déborde d’émotion, comme si j’allais exploser de chagrin et de colère. Il faut que je retourne auprès de mon Dylan qui gémit, qui ne veut pas se retrouver seul, qui ne veut pas que je sois fâché contre lui. Mon ?

Perplexe, je sursaute violemment et, figée de stupeur, dévisage l’adolescent recroquevillé sur mon lit, abrité par l’amoncellement de couvertures chaudes et douces. J’acquiesce tout doucement.

-Dormons ensemble cette nuit, le voulez-vous bien ? De cette façon, nous pourront partager notre chaleur et éprouver de la satisfaction en étant pas seul.

Alors, je grimpe adroitement sur le lit, souris timidement à un Dylan tout aussi gêné qui m’offre une place à ses côtés. Pendant que je m’installe confortablement, le petit homme s’accroche d’abord à mon torse et enfoui son visage dans le creux de mon cou, échappant un étrange bruit ressemblant vaguement à un ronronnement.

Je ne suis pas méchant. Je ne suis pas du genre à abuser les gens. Seulement, je suis du genre à profiter des bonnes choses quand elles passent. Vous l'aurez compris. Je n'aurais pas volé la bague de Lan si ça n'avait pas été le cas. Je n'aurais pas souhaité me laver et me reposer dans une maison, je n'aurais pas accepté ce marché crapuleux avec le vampire, je ne serais pas ici, maintenant, dans des draps de satin, à me lover contre une source de chaleur discutable – l'est quand même mort, le mec. Je ne sais pas si ce sera bon à long terme, pour moi, d'agir ainsi avec lui. Je veux dire, c'est un vampire. Ce n'est pas mon premier, et je connais les risques. Mêmes s'ils tiennent à quelque chose, vient un moment où ils en ont assez de se faire emmerder par un petit con comme moi et où ils deviennent brutalement plus sanguinaires. Oui, je connais les vampires. Je ne les aime pas et, même si Lan semble être un gros nounours, je me méfie de lui, guettant les moindres signes de colère, prêt à les apaiser par un petit ronronnement adorable à tout moment.

Ce soir, je suis fatigué. J'ai passé une bonne partie de la journée à grimper aux arbres du jardin somptueux de monsieur le Sir de Varen à la Lan, à l'exaspérer, pour ensuite continuer cette activité palpitante dans son lit, en lui demandant de me faire la lecture comme on la fait à un enfant. Je considère que je suis encore un enfant. Je n'ai pas atteint la majorité, et même quand je l'aurai atteinte … Je ne crois pas que je vais grandir, aussi bien mentalement que physiquement, eh. Ça doit bien faire depuis mes dix ans que j'ai pas pris un pouce.

Dans les bras de Morphée-Lan, je me laisse aller à un sommeil profond, agrémenté de pas grand-chose. Je ne sais pas si tous les hybrides sont comme moi, mais je ne rêve jamais, ou alors je ne me souviens jamais de mes rêves. Pas de réveils paniqués au milieu de la nuit, pas de souffle haletant. Non. Que des nuits paisibles. En plus, je n'ai qu'à fermer l'œil pour me mettre à pioncer comme un raton. Ça dort comment, un raton ? Vous demanderez à Lan : c'est assez rare que je me regarde en train de dormir.

Le matin, fidèle à moi-même, je me réveille alors que lui reste couché. Je dors moins longtemps que lui, mais plus souvent, du fait que je peux sortir autant dans le jour que dans la nuit. D'ailleurs, je n'ai toujours pas compris pourquoi Lan n'a pas cramé au soleil quand je l'y ai abandonné la dernière fois. Les vampires sont censés cramer au soleil, na ? Je me décolle doucement des bras du vampire, essayant de ne pas le réveiller : il est grognon quand on ne s'y prend pas correctement. Et là je n'ai pas envie de le réveiller. J'ai préparé quelque chose, et je ne veux pas l'avoir dans les pattes.

Avec lenteur, je me dirige vers la maudite porte close du sous-sol, où se tiennent, fidèles au poste, les chiens du vampire. Je m'arme d'une gamelle pleine de nourriture. Comme ça, si les choses tournent mal, je n'aurai qu'à dire que venu les nourrir. Tout ce que je veux, c'est ouvrir cette porte, m'esquiver, et regarder les chiens quitter la maison. Mais une fois que la porte de la cave est ouverte, les molosses se jettent sur moi, renversant la gamelle sur le sol.

-LAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN !!! je hurle, entre deux grognement de bête sauvage coincée au piège. TES CHIENS !!!

J'entends un branlebas en haut des escaliers. Lan essaie de se tirer du lit malgré la lumière dans sa chambre, comme un aveugle. Au moins, au rée-de-chaussée, les rideaux sont tous tirés.

listening to Emmanuelle Béart - Pile ou Face

Blaise se dressa derrière moi, déposant avec douceur ses mains sur mes hanches, nichant son menton sur mon épaule et contempla avec moi l’aube rougeoyant. Son souffle chaud ricochait contre ma joue, le bout de son nez effleura ma peau frissonnante. Je caressai ses mains du bout des doigts, rêveur. Une odeur fauve nous enveloppe comme un cocon, vague souvenir de la nuit torride qui vient de se dérouler. Si mon père savait…Il en ferait des cauchemars pour l’éternité. Je souris pour moi-même, me détournai de la fenêtre, entourai la taille de Blaise de mes bras encore tremblants suite à nos ébats et l’embrassai langoureusement. Je sentis ses mains se glisser dans ma longue chevelure, le contact léger de la langue aguicheuse contre mes lèvres qui s’insinue dans ma bouche avec douceur et délicatesse. Son corps se pressa soudainement contre moi avec une brusquerie toute animale, son membre tendu plaqué contre mon ventre éveille en moi de familières agitations. Il me met dans un tel désordre, je ne réponds plus de moi. Nous butâmes contres des chaises, des tables, des meubles, nous nous affalâmes sur le matelas doux de la pièce et entamâmes à nouveau nos activités frivoles jusqu’à ce que…ouvrant les paupières je croise le regard de…

-Dylan ? je fais, pris d’un sursaut terrible.

-LAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAANNNNNNNN !! TES CHIENNS !!

Sacrebleu ! Que se passe-t-il ? Pourquoi tout ce tapage ? Pourquoi…toute cette lumière ? Plantant mes mains sur mon visage, j’essaie avec misère de me retirer de mes draps et de bondir hors de mon lit, percevant les aboiements déchirants de mes animaux domestiques en plus du couinement hystérique de Dylan à l’étage inférieur. Je trébuche contre une matière solide, m’écrase lourdement sur le sol froid, me relève avec maladresse et me précipite dans une direction quelconque, incapable d’ouvrir les yeux sans ressentir une vive douleur transpercer mon crâne.

C’est en grognant et maugréant que je parviens à descendre jusqu’à Dylan, m’affaissant contre un mur, faible et tremblotant, toujours papillonnant des paupières afin de retrouver une vue adéquate. Et ce qui m’offre à moi m’arrache des jurons colorés. Non mais !! Voyant Dylan s’accrocher à mon précieux candélabre plutôt dispendieux, feulant à l’adresse de trois chiens enragés qui bondissent en faisant claquant leurs mâchoires attise en moi une colère vive. Quoi ! Me réveiller pour ça ?! Et puis comment mes chiens ont-ils fait pour s’échapper du sous-sol ? C’est impossible ! Je suis beaucoup trop en colère pour enligner des pensées cohérentes, voilà pourquoi je m’avance parmi la meute en beuglant des imprécations virulentes et des ordres assourdissants. Mes chiens s’immobilisent, m’observent et muets, retournent se coucher au sous-sol avec quelques regards avides en direction de Dylan.

-Dylan, mais que faite-vous donc là-haut ? je gronde en tapant du pied.

-Vos chiens voulaient me manger…

-Ils vous auraient croqué à une place ou deux, mais pas plus. Descendez, maintenant !

À cause de ce petit enquiquineur, mon rêve avec Blaise s’est volatilisé…Je fronce les sourcils et, saisis d’un soudain étourdissement, je me laisse choir sur une chaise rembourrée. Malheur, Blaise, à la toute fin, s’est métamorphosé en Dylan…Dylan dans mon lit, nu et désirable. Je frémis.

Dylan se laisse glisser à mes côtés, embarque dans ma giron et vient se blottir contre moi, encore éprouvé par les derniers évènements. Ses petites mains s’agrippent à mes cheveux à défaut de l’absence d’une chemise sur mon buste. Lui murmurant que tout va bien, je l’entoure de mes bras et le berce, comme Blaise auparavant. Refoulant la montée de souvenirs cuisants, je secoue la tête. Puis, je dépose un délicat baiser protecteur sur le front de Dylan.

-Après tant de frayeur, une sucrerie s’impose.

Dylan hoche frénétiquement la tête en souriant de toutes ses dents. Puis, je me ravise et l’interroge.

-Dylan…Pourquoi les rideaux n’étaient pas tirés en haut ?

Tout comme la perspective d’avoir droit à une quelconque friandise s’évanouit d’un coup, la perspective - beaucoup moins agréable - d’être puni apparait brutalement pour la remplacer sans scrupule aucun. Non mais, qu’est-ce que c’est que cette question.

-J‘m‘excuse, je marmonne, baissant la tête comme un enfant honteux de ses actions. J’voulais juste un peu d’lumière, il y en a jamais qui filtre, ici. Toi tu t’en fous, mais moi... J’aime bien avoir un peu d’soleil dans la maison des fois.

Pendant un instant, j’ai peur que mon argument ne tienne pas la route. Mais s’il ne veut pas me croire, ce n’est pas mon problème. Bon, un peu quand même, puisque ce sera moi qui serai puni, au final, si monsieur le vampire crétin ne veut pas accepter ma vérité truquée. Peut-être que si je lui fais mes yeux humides de raton mignon il voudra bien me pardonner mon erreur.

-Moi tout c’que j’voulait c’tait de t’rendre un peu service en allant nourrir tes chiens. Promis craché que je le r’fais plus, je fais en levant la patte droite pour jurer.

Lan me fait gentiment remarquer, alors que je m’y prépare, que cracher par terre pour appuyer ma promesse ne sera pas nécessaire. Je crois qu’il n’a pas encore digéré la fois où j’ai “juré-craché” sur ses chaussures en suède à je ne sais pas combien d’euros. Je hoche la tête, la lèvre tremblante, comme si j’allais me mettre à pleurer, déçu de l’avoir déçu. Voyez, le truc qui me plait bien, de ce vampire, c’est qu’il se conduit avec moi comme un père. Un père franchement naïf, c’est sûr, mais un papa quand même et ça fait bien mon affaire. Il y a même des jours où il semble oublier que la raison pour laquelle je suis chez lui, c’est cette bague. Je crois même que le record est de trois jours sans qu’il n’y fasse allusion. Ce furent trois jours de pur bonheur pour moi, me faisant presque croire que je n’étais là que pour me faire entretenir, sortir et nourrir. Le paradis pour un parasite, quoi !

-Bien, n’en parlons plus, dit Lan. Maintenant, si tu le veux bien, j’aimerais retourner au lit.

Autre chose de surprenante chez Lan : il dort. J’avais entendu dire que les vampires ne dormaient pas, qu’ils n’éprouvaient pas la fatigue. Mais je suppose que Sir Lan n’a jamais quitté son mode de vie d’autrefois et qu’il continue d’éprouver de la fatigue seulement par habitude. La seule nuance, c’est qu’il dort le jour plutôt que la nuit. Les vampires sont des créatures surprenantes. Et snobs.... Mais surprenantes, tout au moins. Et vachement distrayantes.

-Tu veux que j’te borde ? Je dis avec le sourire alors qu’il se lève en me posant sur le sofa.

-Non, ça va. Je te demanderais seulement de ne pas mettre la télévision trop forte, aujourd’hui. J’aimerais dormir mieux qu’hier.

Je hoche la tête. Message reçu. De toute façon, je n’ai pas l’intention de regarder la télé. J’ai entendu dire à la télé, hier justement, qu’on allait abattre un arbre aux abords de la ville. Le hic, c’est que dans cet arbre, il y a plusieurs petits trucs qui m’appartiennent, notamment la bague. D’ailleurs, ce n’est pas le volume de la télé qui a réveillé Lan, mais le cri d’horreur que j’ai poussé à l’écoute de la nouvelle. Une fois le vampire retourné se coucher, je prends une veste et sors, bien décidé à récupérer mes biens avant que l’arbre ne soit tué et emporté pour brûler, ou faire du papier, ou whatever.

[dans la soirée, Lan pourrait voir Dylan grimper dans l‘arbre aux infos du soir XD ce serait rigolo]

listening to The Fray - How to Save a Life