Contente que ça plaise ^^
Voici la nouvelle. Le sujet était "donnez votre définition de l'engagement".
Bon, c'était juste lorsque j'ai commencé à plus écrire sur Sadismus. Je le referai, un jour. Elle s'appelle Petit Frère.
Petit frère, regarde un peu en bas.
Laisse donc couler de ton nuage quelques uns de tes regards sur cette vieille terre stérile. De ces œillades faussement affligées que tu ne réservais qu'à moi. De ces éclairs noirs qui me faisaient tant rire.
Qu'est devenu ce monde, dis-le moi…? Je ne parle pas du mien, ni du tien. Ces choses-là n'ont gère d'importance dans ce que je veux te dire. C'est de notre époque –de mon époque- dont je te parle. Mon temps.
Cette amante frigide dont les bras glacés m'invitent sans grâces, vulgaire comme une putain scabreuse. Je ne suis qu'un pauvre pantin sans volonté entre ses doigts, perpétuellement ébloui par les événements comme un cadavre de veuf qui sort de son caveau solitaire. Bref, je ne comprends plus rien de ce foutu présent, j'y suis comme dans un océan de mélasse.
Alors aide-moi. Je suis sûr que tu as une meilleure vue de toutes ces choses que ton abruti de frère, de là-haut.
Il faut que tu saches que je ne suis plus un homme libre. Plus physiquement, du moins. Ils m'ont arrêté. Ils m'ont jugé comme un vulgaire criminel. Et ils m'ont enfermé ici. Tout ce que je possède se résume désormais à un petit pois. Mes pensées. Tu as toujours su qu'elles n'allaient pas bien loin, même si tu le niais. Même quand tu engueulais les potes lorsqu'ils se foutaient de mes bégaiements, de ma tronche de tôlard pas fin.
Alors je sais que je peux compter sur toi pour m'aider à décrasser un peu cette soupe qui me sert de cerveau. Comme tu l'as toujours fait. Je sais, bien sûr, que tu ne peux pas me répondre. Je suis peut-être crétin, mais je ne suis pas dément.
Tu es bien trop loin pour pouvoir me répondre. Quelque part, c'est normal. Mais mon instinct –et c'est encore ce qu'il me reste de plus fiable- ne collabore en général pas avec la logique. J'ai la certitude que, si j'arrive à coucher toutes les saloperies qui me hantent sur le papier, j'arriverai à exhumer cette vérité qui se planque.
C'est tout ce qui me manque pour comprendre. Reprendre cette histoire de dingues depuis le début, et forcer ma pauvre cervelle à remâcher toutes ces données. Si je secoue suffisamment la boîte, peut-être que quelque chose d'utile en sortira. Et en cela, petit frère, tu m'auras aidé. Alors penche-toi un peu, histoire de me voir un peu mieux de si haut, et donne moi de ton temps. De toute façon, tu as l'éternité devant toi.
***
La vérité, c'est que les choses ont commencé à s'embrouiller dans ma tête juste après ton départ. Oh ! Ne t'inquiète pas, je ne dis pas que la faute te reviens à toi. Comment aurais-tu pu prévoir…tout cela ? Non. Le point de départ de cette sale histoire, c'est ce foutu Bosche. Celui qui t'as forcé à me quitter. Celui qui s'est fait notre ennemi en ramenant sa putain de science aryenne dans notre pays. Tu t'en souviens ? Oui, celui-là… Je sais que tu n'es pas rancunier, mais ne fais pas le saint, ce coup-ci. Cet Allemand est le seul, l'unique responsable de ton exil, loin de moi.
C'est le jour où sa route à bouffé la tienne que les fils ont commencé à s'emmêler dans ma tête. Quand tu es parti, il y a eu comme un déclic quelque part entre les deux neurones de mon crâne. J'en avais assez. Assez de me terrer comme les autres, de collaborer avec l'ennemi. Je ne voulais plus me traîner comme une loque; la queue entre les pattes, n'ayant pour espoir absolu que de raser les murs pour ne pas m'en prendre sur la gueule.
Alors j'ai fait la seule chose qu'un homme digne de ce nom doit de faire, pour préserver sa fierté d'humain, si ce n'est pour son salut.
Je me suis engagé dans la Résistance, petit frère. Je me suis engagé pour mon pays. Je me suis engagé pour la liberté de tout ce qui respire sur cette vieille planète. Je me suis engagé contre le fascisme, et contre ces théories raciales à la con.
Mais surtout, je me suis engagé pour toi, petit frère. Le reste, je m'en fous presque. Les plus grands tyrans mégalos peuvent venir amputer ma fierté, les milices écraser mon visage, mon pays trahir et renier, je me battrai pour toi. Et tu seras fier de moi, quoi qu'il arrive. Cette promesse-là surpasse les longs discours pompeux sur le courage, ceux qui vous laissent des étoiles dans les yeux et un goût amer sur les lèvres. Je suis un homme, et je suis ton frère. Voilà pourquoi je me suis engagé.
C'est vrai, j'ai eu du mal. Entrer dans la Résistance, c'est pas vraiment comme pousser les portes d'un cabaret. Enfin, tu t'en doutes. Mais justement…
Tu te souviens de Cerise ? La petite aux yeux verts et au carré noir ? Cerise… La grignette qui bossait à la "Fée Verte", qui ne fumait que de longues cigarettes et ne mangeait que le vert des radis... Elle était belle, n'est-ce pas ? Une vraie perle toute rose au milieu de soûlards comme moi. Elle savait nous mener, la môme…
Et bien figure toi que son fiancé –François, le rouquin- venait de passer sous un train. Tous ont conclu à un suicide, mais pas moi. Le roux avait des tripes, une jolie fille à ses côtés, un job solide. Pas le genre à en finir de lui-même. Je suis persuadé que nos amis les "occupants" y sont pour quelque chose… Les "morts fortuites", c'est plutôt arrangeant pour maquiller un crime arrangé sans titiller l'opinion publique… J'ai mené ma petite enquête, et, pas de doute, je peux te dire que François était un Résistant. Alors je n'ai pas hésité. Je suis allé interrogé la petite sur son amoureux. Ce n'était pas très délicat de ma part, mais ma cause valait bien les pleurs tardifs d'une veuve toute fraîche.
Je me suis assis à notre table habituelle, à toi et moi, à la "Fée Verte". Je l'ai appelée, et amadouée avec un air de chien battu compatissant et une bouteille de vodka. Je l'ai fait s'asseoir, elle et sa mine de petite fille orpheline. Et on a parlé.
"- J'imagine que j'dois t'présenter mes condoléances…"
La petite a levé vers moi un regard mouillé de khôl dégoulinant. J'ai cru voir un zombie. Elle avait maigri, sa peau virait sur le gris. La tristesse la rendait laide. Dommage.
"- Ton fiancé était un type bien, petiote…
- Te fatigue pas, m'a-t-elle fait d'un ton las, y z'ont déjà raclé tout ça à l'enterrement. Tout le monde le dit, personne le pense. A croire qu'il suffit de crever salement pour devenir un héros."
Je l'aimais bien, Cerise.
"- Tu te remets ?
- A ton avis ?
- C'était une question stupide.
- Oui."
Nouveau silence gêné. Tu me connais, petit frère, je n'ai jamais été doué pour sécher les larmes. Et puis j'avais autre chose à penser. Désolée ma petite, mais ma cause a plus de valeur que tes glandes lacrymales.
"- Cerise.
- Quoi ?
- Il faut que je te parle.
- Et tu fais quoi, là ? Tu joues à la loterie ? Tu tires une gonzesse ? Accouche. J'ai du boulot, moi. Comme les gens normaux."
Je n'ai pas relevé. J'ai l'habitude de ce type de sarcasme… Les gens ne comprennent jamais rien.
"- Si tu veux, mais ça va pas te plaire."
Je laisse filer une petite pause de circonstance. L'effet est plutôt satisfaisant.
"- Je sais, pour François.
- Tu sais …?
- Oui.
- Ah."
J'étais heureux qu'elle ait compris si vite. Cerise a toujours été une fille intelligente. Je fus soulagé vraiment… Jusqu'au moment où elle me gifla.
"- Putain ! Mais qu'est-ce qu'y te prends !"
J'avais hurlé. Je ne supportais pas que l'on me touche. Encore moins que l'on veuille me faire du mal. Les quelques clients qui ne s'étaient pas déjà retourné vers nous au son de la claque nous fixèrent avec des yeux brûlants. Je n'aime pas non plus que l'on me regarde.
"- Cerise…
- Ta gueule ! Comment oses-tu me parler de ça maintenant ? Pauvre taré ! Si ton frère te voyait…
- Ne parle pas de lui ! Jamais."
Nous criions tous les deux, comme deux sourds luttant sans se rendre compte qu'ils se déchiraient la gorge pour rien. Ce fut Cerise qui reprit la main, me transperçant de ses yeux ridiculement rouges et humides.
"- Ne viens pas secouer les cadavres, bordel ! Tout est fini, tu m'entends, fini ! Tout ce que François a été, a fait, n'est plus. Je m'en tape, maintenant, je m'en tape ! Je lui pardonne… Je l'aime, moi…"
A ce moment là, je t'avoue que j'ai eu un petit pincement au cœur. Cerise aussi, elle en était, elle était avec eux. Elle avait préféré la collaboration… La servilité… A peine son fiancé mort, elle flagellait sa cause. Ma cause. Ma voix s'amplifia encore. Je sentais vibrer ma poitrine, une veine palpitait sur mon cou.
"- Tu l'aimes ? Tu méprise tout ce qu'il a été, tout ce qu'il a fait ! Tu m'dégoûtes…
- Je t'ai dit que je lui avais pardonné…Tout. Et maintenant, c'est fini.
- Pardonné ? Pardonné ? Il n'y a pas lieu de pardonner une cause juste ! Pauvre traînée, pute à collabos… Tu ne le méritais pas."
J'en eus assez. Je repoussai violemment ma chaise, bousculai la table au passage. Cerise était des leurs, plus que l'ombre d'une chose qui fut femme, une coquille vide. Je ne lui accordai plus le moindre regard : elle était morte.
Moi, ma vraie vie venait de débuter. Je trouverais mon propre chemin, et si personne ne me soutenait, j'agirais seul. C'est avec cette unique pensée que j'ai enfilé mon manteau, payé ma bouteille, et que je suis sorti dans la lumière du jour naissant.
La voix de Cerise, pourtant, réussit à se frayer un chemin jusqu'à moi, avant que mes pas ne me séparassent définitivement de cette morte. Quelle importance ? Il n'y avait plus rien pour moi dans ce monde de planqués, ce marais de Judas.
"- Mais de quoi tu causes !"
J'étais seul.
***
Il était temps d'agir, car personne ne le ferait à ma place. J'avais mis du temps à le comprendre, mais ça avait finit par rentrer dans ma petite tête. Je n'allais pas t'abandonner à cause d'une petite traîtresse aux yeux de chat et aux faux airs de madone.
Te souviens-tu de notre proverbe ? Celui qu'on répétait tout le temps comme deux idiots, y croyant à peine, rêvant d'en être ?
"Il y a autant de témérité à faire facilement un vœu qu'il y a d'impiété à ne le point exécuter." Tu vois, moi, je m'en souviens encore. C'était toi qui l'avait trouvé dans un de tes bouquins. C'était toujours toi qui trouvait tout, d'ailleurs. Au début, je m'étais bien foutu de toi… Je t'avais traité de morveux moralisateur. Et tu avais ri. Mais j'ai fini par l'apprécier. Pas forcément par le comprendre. C'était plus un cri de ralliement qu'autre chose.
Mais aujourd'hui, j'ai compris. Je veux être Résistant ? Je n'ai qu'à l'être. Revenir sur mes intentions serait pécher. Et le confessionnal, c'est pas mon truc… J'ai tout de suite su ce qu'il me faudrait faire… Mon rite initiatique personnel. Quelque part, je crois que cette "clé" m'avait toujours habité, qu'elle attendait juste le signal de départ.
J'allai tuer l'Allemand. Ton traître. Mon passe.
Cette nuit là, il pleuvait. Et crois-moi, c'était pas du crachin de bébé. Les gouttes étaient autant de balles lancées, ivres de vitesse, à l'encontre de notre vieille terre. Ce n'était même pas de la boue qui fuyait sous mes pas, c'était de l'eau. Longtemps, j'ai contemplé les remous de cette lavasse glauque se jetant sur mes pieds. Le bas de mon pantalon était trempé.
Je frissonnai. Pas seulement de froid… Hélas ? Ma main se glissa sous mon manteau, cherchant le contact rassurant du métal échauffé par ma peau. J'allais le faire. J'avais suivi la piste de mon homme depuis l'aube, n'osant agir avant. Je ne me voyaisas tuer quelqu'un en plein jour. Ce n'était pas esthétique.
Et puis je refusais que cette ordure puisse profiter du soleil en crevant, comme si cette terre avait encore quelque chose à lui offrir. Je voulais qu'il souffre, ce salaud, je voulais que son départ soit rapide, frustré. Une fin de vie sordide, dans une ruelle dégueulasse, et sous la pluie. Le tableau était parfait.
J'ai du l'attendre une demi-heure, comme ça, absorbé par les clapotis de l'eau, la main sur mon arme. Il est sorti. Je l'ai appelé en armant mon revolver. Il s'est tourné.
Et lorsque la première balle s'est logée dans son foie, j'ai accroché son regard.
Et lorsque la deuxième balle a ricoché sur son épaule, j'ai hurlé.
Et lorsque la dernière balle a perforé son cœur, j'ai ri.
Il s'est effondré, se recroquevillant au sol, agité de spasmes frénétiques. Tout cela dans le silence le plus absolu. Alors que l'écho de mes tirs retombait, que cette enflure se tordait au sol, j'étais déçu. Frustré.
Il n'avait pas crié.
Je suis resté con, planté sur mes deux jambes trempées. La pluie nous a lavé, lui et moi. Mes chaussures se sont tâchées de rouge, c'est tout. Subitement, toute l'eau accumulée sur mon front, au-dessus de mes sourcils, envahit mon visage, mes yeux, ma bouche.
Un bruit mat. Mes doigts raides avait laissé l'arme s'échapper. C'était fini. J'avais accompli mon devoir d'homme… De Résistant. J'étais allé jusqu'au bout… Jusqu'au bout de mon engagement, petit frère.
***
Voilà toute l'histoire. Evidemment, c'est à cause des tirs qu'ils m'avaient épinglé. Les trois détonations avaient éveillé la moitié des zonards du coin. La police avait débarqué, vu le corps, et moi devant. Je ne me suis pas débattu. C'eût été pire. De toute façon, j'avais accompli tout ce pourquoi j'étais né. Ils pouvaient me faire tout ce qu'ils voulaient, désormais. J'étais déjà parti, j'étais tout près de toi, petit frère.
J'ai attendu la mort.
Elle n'est jamais venue. Ils m'ont fait passer devant à tribunal de pantins. Je sais ce qu'est la justice en temps de guerre. Un bal de scarabées, juste là pour faire du vent, du bruit, de la couleur. Tous me regardaient avec dégoût. Mais je savais qu'ils avaient honte. Car moi, je l'avais fait : j'avais agi, j'étais sorti de l'horrible trou putride dans lequel ils se planquaient tous. Tu sais ce qu'on dit… Le clou qui dépasse se fait toujours taper dessus.
J'ai servi d'exutoire à ces pauvres ventres mous dont la plus grande témérité était de choisir le cirage avec lequel ils cireraient les pompes de nos occupants. Officiellement, ils m'ont condamné au trou à perpétuité. J'ai ri, lorsque le juge énonça son aberration d'un air profondément solennel. J'allais crever, oui; une balle dans la nuque, ou un lacet autour du cou. C'était comme ça que les choses se passaient. Histoire de ne pas effrayer les civils. De ne pas réveiller leur pauvre sang caillé.
Et alors même que je t'écris, j'attends toujours que vienne la fin. Je n'ai pas peur. Je suis heureux d'avoir pu achever cette lettre. J'espère que tu prendras du plaisir à lire ce que ton vieux frère t'envoya pour la dernière fois.
Tu vois, je l'ai respectée, cette promesse. Je vais mourir, et l'histoire me crachera dessus, mais je l'ai tenue. Et j'ai découvert ce que c'était d'être un homme. J'ai appris qu'il fallait savoir mettre toute sa foi dans son engagement, le placer dans son cœur, et le respecter, quoi qu'il arrive. La volonté que tu places en ce monde et en tes actes surpasse toutes les autres données.
Ton frère.
PS : J'aimerais que tu prévienne les autres d'un fait important. Ils ont découvert un nouveau stratagème pour nous faire parler. Pour qu'on lâche les copains aussi. C'en est presque absurde… Cela tient de la torture mentale. Mais ne t'inquiète pas, je me sais assez fort pour mettre fin à mes jours avant de craquer et de trahir. Tu sais ce qu'il m'on dit ?
Que ce type de crime de sang était d'une horreur absolue au XXI° siècle.Lettre retournée à l'asile de Saint Romain des Anges
avec la mention "Inconnu à cette adresse"
ce 5 Juin 2004
Accueil 
Dernières images 
S'enregistrer 
Sujet: Dessins, et autres. 
Mar 7 Aoû - 4:44
mais est ce que tu as un modele ou pas ?? non mais t'inquiete si t'en a un c'est pas rave, c'est juste pour savoir^^ lol paske moi meme je dessine avec ...
*prend note*
)
