Explications [PV Ida]

[Pardonne-moi si le post n'est pas fameux .... j'ai comme pas la tête à ça ce soir ... j'ai bobo ... ]

Notre-Dame de Paris. Cathédrale réputée de par le monde. Celle-ci s’élève, droite et fière, vers les cieux et nous surplombe de sa hauteur et de son imposante stature depuis le XIIe siècle. C’est un établissement plutôt impressionnant qui coupe le souffle de plusieurs individus, touristes pour la plupart. Dans mon cas, la cathédrale n’attire pas mon attention. J’en ai vues des centaines tout en long de mon existence et je n’ai aucun goût en matière d’architecture et d’art. Et puis, qu’est-ce que l’admiration, la contemplation, le ravissement ? Les sentiments reliés à cela correspondent à une «profonde admiration pouvant aller jusqu'à l'aveuglement», selon le dictionnaire. Toutefois, je ne suis pas aveugle. Je voix les passants à mes pieds, la lune dans les cieux, les étoiles dans le firmament, la cathédrale à quelques centaines de mètres de moi. Je vois tout. Alors, la vue qui s’offre à moi ne m’éblouit pas. Mais qu’est-ce que la beauté ? Est-ce une femme bien tournée ? Une fleur épanouie ? La lune blanchâtre et rayonnante ? Ou l’état de décomposition d’une dépouille pourfendue ? Mais la beauté est ce qui plaît. Seulement, qu’est-ce qui plaît à un humain ? Les jeunes enfants aiment les jeux vidéo, alors trouvent-ils que cela est beau, à proprement parler ? La beauté est une chose qui est appréciée de l’œil, mais comment savoir que notre œil est satisfait de sa vision ? Serait-ce en fonction des émotions que nous ressentons ? Dans ce cas, tout me laisse indifférent. Ah…ce mot, je le connais que trop bien. L’indifférence.

-Où es-tu ? je murmure en scrutant les humains.

De haut de mon promontoire – le toit d’un immeuble -, accroupi et entouré de mes ailes, je sonde les alentours, à sa recherche. Je sens sa présence comme si elle est tapie dans mon esprit. Depuis sa visite inattendue dans ma tête, j’ai l’impression qu’il y a une autre présence dans mon corps, dissimulée dans un recoin obscur de mon cerveau, épiant chacune de mes pensées. À plusieurs fois j’ai tenté d’interpeller cette présence, mais le silence, tenace, est la seule réponse que je reçois. Je ne suis pas découragé. Qu’est-ce que le découragement ? C’est un sentiment que seuls les humains peuvent ressentir, parce qu’ils sont si faibles et peu débrouillards. Un échec et ils pleurnichent. Je n’aime pas les humains. Ça, j’en suis sûr. Je ne crois pas les détester, mais leur malheur ne me fait ni pleurer ni sourire. On se demande pourquoi le bon Dieu a permis toutes les misères qui ont attaqué les civilisations humaines, c’est parce qu’il n’y a ni Dieu ni esprits qui veillent sur les hommes. Dieu a disparu depuis longtemps.

Une silhouette vêtue tout de blanc et à la longue chevelure rousse traverse mon champ de vision. Sourient, j’enjambe la gouttière et glisse sur le sol avec légèreté et délicatesse. Chose étonnante vu la hauteur de l’immeuble sur lequel je reposais. Camouflant mes ailes, je m’empresse de foncer dans la foule tout en suivant le sillage de la femme. Celle-ci se fige et se détourne, fouillant les alentours de ses yeux perçants. Ses narines frémissent comme si elle humait l’atmosphère à la recherche d’un certain arôme. Puis, sans hésiter, elle virevolte et poursuit sa promenade d’un pas hâté. Sur son passage, je remarque le regard de plusieurs hommes. Leurs traits sont fondus en une étrange expression. Elle ressemble à celle qu’adopte Raquel lorsqu’il aperçoit une biche. L’amusement ? L’envie ? La répulsion ? Selon mes connaissances sur les hommes, cela doit représenter le désir charnel. En cela, j’en suis sûr.

-Ida ? je fais en la rattrapant.

Celle-ci se fige, pivote sa tête dans ma direction de sorte que je vois le profil de son jeune visage. Nous sommes tout près du Parvis de Notre-Dame, l’immense cathédrale nous domine de toute sa hauteur. Depuis notre dernière rencontre, elle me fuie ou plutôt se montre plus…froide et antipathique qu’à l’accoutumer. L’aurais-je offensée ? Pourtant, je n’ai parlé que de son amant Yakou…Yaku…Yako…

-Vous voilà enfin. J’ai tant de difficultés à vous intercepter ces temps-ci, me fuyez-vous donc ?

Je voudrais bien savoir quel est, exactement, son but en m'agressant de la sorte ! En fait, non, je ne veux pas le savoir. Je préfère que ça reste ainsi. Enfin, mon ignorance de ses raisons, pas sa manie de me poursuivre. Ça fait deux jours que je sais qu'il traîne dans Paris à ma recherche et, chaque fois que je tombe sur sa terrible odeur de perfection, de pureté et de fausse bonté, je pars dans la direction opposée et m'installe en un endroit d'où je ne bougerai plus avant son départ. Je n'aime pas cet ange. Encore aujourd'hui ! J'étais bien, à marcher dans les rues bondées comme m'avait appris à le faire Yaku, les yeux ouverts, vifs bien qu'aveugles, et le nez et les oreilles en alerte à tout ce qui se passe autour. Il m'avait montré à recréer l'environnement invisible qui s'étendait autour de moi, comme si je pouvais le voir. C'était la visualisation qui rendait cet exploit possible. Dire qu'autrefois j'admirais les aveugles qui se débrouillaient avec une canne … Je n'ai rien à leur envier : je fais mieux qu'eux, et sans l'aide d'un fichu bâton ! En ce moment, je marche vite, évitant les passants à l'odeur, au son. Mais j'ai beau être douée à ce petit jeu, la créature qui avance derrière moi a ses deux yeux pour y voir, et de ce qu'il m'a dit, il est même capable de voir plus loin que la limite du visuel. Saleté d'ange ! Je me demande s'ils sont tous comme cela. Cette race possède tellement d'armes contre lesquelles nous ne pouvons rien… C'est la preuve qu'ils ont été créés après nous : on les a créés pour qu'ils soient capables de nous écraser. Bien vite, la main de l'ange saisit mon bras. Je me retourne vivement, agacée, plongeant mes prunelles aveugles dans ce que je suppose être les siennes.

-Si je vous fuis ? je demande en minaudant. Voyons Ashael, essayez donc d'utiliser des mots dont vous connaissez le sens.

C'est une manie que j'ai développée en fréquentant Raquel. C'est lorsque lui et moi avions un petit verre dans le nez et que nous médisions sur le compte de son créateur qu'il m'a révélé qu'Ashael avait énormément de difficulté à définir les sentiments humains et utilisaient souvent des expressions dont il ignorait le sens. Il me disait se plaire à lui mettre son imbécillité sous le nez, ou encore à la lui cacher lorsque, s'il utilisait une expression dans le bon contexte, il lui faisait croire que sa définition en était erronée. C'est exactement ce que je fais maintenant alors que je devine le froncement de sourcil de l'ange devant moi.

-Fuir, c'est chercher à éviter, me récite-t-il.

Je réprime un sourire amusé. C'est lorsque Raquel a bu qu'il se révèle être le plus utile de mes informateurs. Sobre, il me dévoile les faiblesses et les forces de l'ange créateur, et ivre, il me renseigne sur ses travers les plus mineurs avec lesquels on peut jouer. C'est bien là tout ce qu'on peut tirer d'un enfant abandonné par son unique parent, parent qui, en plus, ne comprend pas le terme du mot abandon.

-Ciel, Ashael ! De quelle année date le dictionnaire dans lequel vous avez lu ça ? Maintenant, l'expression fuite n'est plus utilisée que pour les liquident qui s'échappent d'un réservoir ! Où allez-vous chercher que ça a un quelconque lien avec mon attitude envers vous ?

Je vois presque le pli de la concentration se former dans son front, et si je n'étais pas aussi en colère contre lui depuis notre dernier entretien, j'éclaterais de rire. Résolution du moment : me venger en utilisant le plus de termes humains possibles.

listening to Paramore - Crush Crush Crush

Récemment, alors que je prenais un déjeuner fade dans un restaurent réputé, j'ai entendu et écouté avec attention une chanson faisant l'éloge de la femme. D'après l'animateur, la dite chanson provenait d'une pièce musicale très populaire dont le nom m'échappe. J'étais beaucoup trop concentré sur les paroles pour suivre le monologue incessant et morne de l'individu à la radio. Par la suite, certains humains diront que je fus songeur. Oui, songeur. Songeur est un mot expliquant l'acte de raisonnement d'un être vivant. Ce que je fis durant quelques heures, peut-être. Je n'ai pas une grande notion du temps. Voici les paroles qui me reviennent en mémoire :



Les femmes sont la plus grande inspiration de l'homme. Séduisantes, puissantes, rusées, sensuelles, sauvages, diablement cruelles, sournoises, hypocrites, sublimes. On les distingue avec de multiples facettes et jamais, au grand jamais, un homme ne semble les comprendre. Voilà ce qui, après des heures de réflexion, ne turlupine grandement parce que chez les hommes, il est aisé de déchiffrer leurs signaux, leur caractère, leur comportement. Ils sont plus simples d'une certaine manière, bien qu'il y ait des exceptions telles que Raquel. Mais je réussis, en majeur partie du temps, à apporter des réponses à mes interrogations concernant la race masculine. Pour ce qui est des femmes. Je soupire.

Ida, qui redresse fièrement le menton devant moi, me dévisage avec un air lumineux. S'agit-il là de triomphe ? d'amertume ? de pitié ? Ses commentaires sur la fuite me paraissent tirés par les cheveux. J'ai appris la signification de tous les mots du dictionnaire, j'ai multiplié mes agents autour de cette femme dans les dernières semaines et même que j'ai posé toute mon attention sur elle. Notre rencontre précédente s'est terminée de façon radicale et…curieuse. J'en suis resté … intrigué, je crois.

J'ai la conviction qu'elle me fuit. Qu'elle se dérobe à nos rencontres et notre conflit. Je n'y comprends rien et je veux pouvoir récolter des informations intéressantes. C'est pourquoi je la traque depuis des jours, que je l'épie, que j'épluche notre dernière conversation afin de découvrir ce qui l'a bouleversée et choquée. Je sais qu'elle pleure lorsqu'elle se retrouve seule dans ses appartements. J'ignore pourquoi.

-Peut-être parce que vous vous élancez dans la direction opposée dès que vous reniflez mon odeur, je dis d'une voix blanche d'émotions, la tête inclinée.

Ma main empoigne toujours son bras, de peur qu'elle ne s'enfuie dans la foule. La situation présente n'est pas normale ni propice à notre guerre. Elle ne se cache pas pour parfaire ses plans, mais pour…autre chose. J'aimerais bien avoir à mon service un ange psychologue capable de me fournir les réponses adéquates et réclamées. D'abord, cet ange psychologue pourrait peut-être m'expliquer ce pincement de lèvres et ce froncement de sourcils réprobateur.

-Pourquoi avez-vous pleuré après notre entretient ?

Cet homme, cette chose, cette créature, est visiblement bien décidée à faire de ma vie un Enfer. Pourrais-je l'en blâmer ? Bien sûr que non, dans la logique, car c'est moi, de mon côté aussi, qui ai pris la même décision. Seulement, dans la logique de la haine, oui, je l'en blâme. Je ne veux pas qu'il fasse ce que moi-même je fais. Mais par Dieu, je ne m'immisce pas dans sa vie privée comme il le fait. Je soupire, défais la poigne qu'il a sur mon bras en retirant un à un ses doigts de là, avec ma main libre. Non. Je ne veux pas savoir ce qu'il fait de ses temps libres. Bon, de ce qu'on m'a dit, Ashael n'a pas de vie privée … Mais s'il en avait une, je ne voudrais pas le savoir. Alors que lui, comme il dit, il m'observe. Et ça me rend folle, maintenant, de savoir que je suis peut-être épiée quand je donne un conseil de guerre, ou que je fais l'amour avec un homme. Les conseils de guerre, ce n'est pas si dramatique, puisque je les communique le plus souvent par la pensée. Mais ma vie sexuelle n'a rien à voir avec cet ange. Ni même ce qui se passe dans les coulisses quand je ne suis plus une reine mais bien rien qu'une femme. Tout cela ne le regarde pas.

-J'ai pleuré ? Je n'en ai pas souvenir, je mens. Peut-être que vous vous mettez à confondre vos séances d'espionnage avec des rêves. Peut-être est-ce votre désir le plus cher de me voir pleurer et de vous imaginer que c'est à cause de vous.

-Vous avez bien pleuré, Ida. Je ne rêve pas.

N'importe quel humain débutant aurait compris, par cette réplique, que je souhaitais simplement faire comme si rien ne s'était passé. Mais pas lui. J'oublie sans cesse qu'Ashael est bien moins qu'un humain débutant : il n'est qu'un ange, et probablement le plus ignare de tous.

-Et si j'ai pleuré, en quoi cela vous concernait-il ? Les femmes pleurent, Ashael, pour des raisons qui ne regardent qu'elles. Et si elles le font en privé …

-Il y avait quatre autres vampires avec vous, ce n'est pas ce que j'appelle privé. Une personne de plus ou une de moins, qu'est-ce que ça change ?

Il le fait exprès. Je ne peux tout simplement pas croire qu'il est sérieux. Il se moque de moi, il joue un jeu. Il ne peut pas être aussi bête. Je lève les yeux au ciel, ciel que je ne vois pas, et garde le silence. Ça ne vaut même pas la peine que je me batte à lui expliquer ce qui se passe, ce qu'il ne comprend pas. Raquel m'a dit avoir passé plusieurs siècles à essayer d'expliquer à Ashael la notion d'abandon, et qu'il n'a toujours pas compris en quoi il avait mal agi, en abandonnant sa création. Quel être inconscient et pitoyable.

-Écoutez, Ashael. Il y a des moments que nous souhaitons partager avec des êtres qui nous sont chers.

-Et en quoi avaient-ils plus de valeur que moi ?

Je tape du pied sur le sol, profondément ennuyée. Les gens, passant dans la rue, nous observent par moment. Ashael attire toujours les regards, avec sa longue chevelure argentée. Pas moyen d'avoir une conversation privée.

-Ce sont mes enfants, Ashael et vous ...

-Ils ne sont pas plus sortis de vos entrailles que moi, dit-il, obstiné à se montrer stupide et désagréable.

listening to Lordi - the kids who wanna play with the dead

Les passants nous scrutent avec une lueur curieuse dans leurs prunelles braquées sur nous pèsent lourdement sur mes épaules. Cette sensation des plus particulières me fait détourner de ma conversation déplorable avec Ida, tandis que celle-ci, trépignant et gesticulant au fur et à mesure de ses explications qu’elle complique en ajoutant des termes d’émotions dès que la situation se présente. Ne saisissant pas la moitié de tout ceci, je me surprends à lui empoigner le bras et à l’entraîner plus près de l’église qui nous domine de sa hauteur et sa taille impressionnante. Glapissant, Ida exécute quelques tentatives infructueuses en vue de se libérer de cet étau qui lui resserre le bras, mais ma prise ne fait que se raffermir devant ses mouvements saccadés.

-Ashael, je vous ordonne de me lâcher sur le champ ! peste la femme en feulant avec vigueur.

Je soupire, lui jette un regard par-dessus mon épaule et lui demande poliment, mais directement, de ne pas faire d’histoires et de me suivre. Aussitôt, comme si des alarmes retentissaient dans son crâne de Vampire abruti, elle se met à gigoter de plus belle, jurant et vociférant.

-Madame, cet homme vous importune ? s’informe soudain un étranger de fort belle carrure.

Je le dévisage un long moment, immobile, Ida, quant à elle, fronce les sourcils et s’humecte les lèvres. L’individu de sexe mâle porte un complet coûteux, de beaux souliers cirés, une mallette de cuir à la main, de fines lunettes en demi-lune. Ses cheveux sont bruns et courts, son visage est anguleux, ses yeux sont vert émeraude, sa peau est basanée. Son regard circonspect passe de ma main renfermant le poignet d’Ida à la jeune dame. Je grommelle…Sans doute irrité, agacé ou…piqué ? par cette intrusion soudaine dans notre entretient. Car oui, je crois me sentir de mauvaise humeur. Puis, une idée me vient. Je regarde Ida et souris.

-Comment un père peut-il incommoder sa fille, je vous le demande bien ? je m’écrie avec une note de…d’exaspération comme le fait si souvent Raquel en ma présence.

-Votre fille ? s’exclame mon interlocuteur en écarquillant les yeux de façon fort comique.

J’opine du chef, exerçant une pression douloureuse sur le poignet de ma compagne, celle-ci trop estomaquée, troublée, affligée ? par le titre que je lui désigné quelques instants auparavant. Je la sens frémir, se raidir. Son regard meurtrier ne m’indique rien de bon. Mais pour le moment, elle se contente de rester bouche close, les lèvres pincées d’indignation, de remords, de surprise ? Ah les humains, ne pourraient-ils pas se contenter de deux ou trois sentiments au lieu de ce réseau complexe d’émotions incompréhensibles. Même eux ne sont pas certains de ce qu’ils ressentent. Pitoyable.

-Exactement, ma fille, je dis en accentuant chaque syllabe. Alors votre intervention chevaleresque pour sauver une jeune adolescente bouchée et enfantine – ici je note qu’Ida s’empourpre de fureur, de plaisir, d’embarras ? – de son père n’est pas tout à fait le meilleur acte que vous puissiez accomplir aujourd’hui. Maintenant, je dois glisser quelques mots à cette enfant effrontée si cela ne vous déplait point. Viens mon enfant, je dis à l’adresse d’Ida.

Délaissant l’humain abasourdi, je transporte la femme dans un lieu un peu plus isolé où elle pourra me beugler des insultes par la tête.

Je reste ébahie devant ce que j’entends et ce que je vois. Non mais cet ange est-il conscient de l’effet que de tels propos blasphématoires peuvent avoir sur moi. Lui mon père ? Je manque de m’étouffer en ressassant ces paroles dans mon esprit, encore et encore. D’autres me reviennent. “Je suis le seul à savoir qui est votre père.” Je déglutis. Non, c’est impossible. Il ignore tout des hommes et de leurs pactes charnels. Il ne peut pas ... Je gémis alors qu’il m’entraine plus loin. Si le sang dans mon corps circulait toujours, il quitterait ma tête et je m’évanouirais. J’ai un léger vertige et je manque de trébucher puis, une fois qu’il nous a transportés hors de vue et d’ouïe des passants, il me fait tourner face à lui. Je ne parviens pas à formuler la question qui me brûle les lèvres. Je regarde ses yeux, essaie d’y trouver un petit quelque chose de moi, ses cheveux ... À part leur douceur et leur brillance, rien. LA carrure ? Nous ne sommes pas petits l’un ou l’autre, mais lui est extrêmement grand, ferait office de record du monde s’il était humain.

-Mais qu’est-ce que c’est que cette manie des humains de s’immiscer dans les conversations d’autrui ? C’est absolument absurde !

Cette insulte à mon ancienne race me ramène à moi.

-Oh, excusez-nous de nous protéger mutuellement. J’ai l’aspect d’une jeune fille, et vous celui d’un homme mûr ! Si l’on voie un homme s’en prendre à un enfant, il est normal, et même recommandé, d’intervenir.

-Mais vous n’êtes pas une enfant ! Vous avez ...

-Oui oui, pas la peine de me rappeler que je me fais vielle !

-Par contre c’est vrai que pour les vampires vous devez à peine sortir de vos couches.

Je trépigne sur place, me retiens pour ne pas lui sauter à la gorge. Pourquoi je me retiens ? Nous sommes en guerre après tout ! Je tue Ashael, et le monde ne s’en portera que mieux. Je soupire. Malgré moi, je dois bien reconnaître qu’il a en sa possession des informations qui me concernent, et que je ne veux pas le voir mourir avant d’en avoir pris connaissance. Je pourrais juste le frapper ... Et la gifle s’envole, pour aller se poser sans douceur sur la joue blanche de l’ange.

-Vous ne savez pas qu’il est impoli de parler de l’âge d’une femme ?

-Vous n’aviez pas dit que c’était du poids dont il ne fallait pas parler.

Une de nos précédentes rencontres me revient en mémoire, où il était venu me trouver dans le parc pour discuter du lieu de la prochaine bataille officielle. C’est à dire sans coups fourrés. Et monsieur avait trouvé le moyen de me demander si j’avais engraissé, car il lui semblait que ma taille n’était pas aussi fine qu’à l’habitude. Je l’ai plus que giflé, cette fameuse soirée. Et je me suis mise au régime tout de suite après.

-L’âge aussi, est un sujet tabou ! Souvenez-vous en !

Il se masse la joue, marmonne qu’il ne risque pas de l’oublier. Je hoche la tête, contente de moi. Au moins il est encore possible de lui apprendre des choses, à ce vieux singe.

listening to Sarah Vaughan & Teddy Wison - Don't Worry about me